Au début de l'année, Jacynthe Carrier a reçu le Prix de la création artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec pour sa vidéo À l'errance, présentée aux Rendez-vous du cinéma québécois.

À l'errance est un plan-séquence de cinq minutes au travers d'un tableau vivant épique peuplé de personnages en relation avec un chemin de fer abandonné. Un hommage à la culture nomade qui a fait décoller sa carrière. La vidéo a été présentée en France, aux États-Unis et au Brésil, et reviendra à Montréal dans le cadre de l'exposition Art souterrain cet hiver.

Passionnée par les relations entre les êtres et leur environnement, Jacynthe Carrier fait partie de la cuvée 2011 de la Triennale québécoise du Musée d'art contemporain de Montréal. Une vue de son installation vidéographique Rites figure même en couverture de la publication de l'événement d'arts visuels.

«C'était déjà assez exceptionnel, mais, en plus, la Collection Loto-Québec a acquis une de mes oeuvres, dit l'artiste de 29 ans. Et j'ai appris récemment que je recevais la bourse Dick and Gretchen Evans de Concordia (d'une valeur de 17 000$) pour mon projet de maîtrise. Plein de reconnaissances en quelques mois. Une année parfaite! C'est très encourageant pour mon travail!»

Jacynthe Carrier s'intéresse aux cicatrices que les êtres portent à la Terre. Pour les illustrer, elle réalise des performances dans lesquelles elle met en scène des personnages qui accomplissent des gestes dans un espace donné.



Tableaux vivants

Ce concept est dans l'air du temps. D'autres artistes ont mis en scène des tableaux vivants composés de personnages filmés. Adad Hannah, notamment, avec sa dernière exposition, Les Russes, à la galerie Pierre-François Ouellette; Marie-Andrée Cormier, avec son installation Paysage humain, présentée à la Triennale, ou encore Claudie Gagnon, qui fait des tableaux vivants depuis une vingtaine d'années.

«Ce sont des références très importantes pour moi, dit-elle. Bien des pratiques artistiques frayent avec le tableau vivant ces temps-ci. La rencontre des disciplines - le théâtre, la danse, la performance - est un peu la saveur de l'heure.»

Créée avec une dizaine de participants sur un dépôt à neige de la région de Québec, son installation Rites (que l'on peut voir jusqu'au 2 janvier au Musée d'art contemporain) est typique de son travail et représente en même temps un nouveau départ pour elle.

«Le corps a cessé d'être statique, donc c'est un immense changement. Avec Rites, je me suis laissé dépasser par l'événement mis en scène. J'ai laissé aller la machine. J'ai dit à une personne: «Tu vas rouler du papier pendant une heure et demie» et à une autre: «Tu vas te déplacer avec des meubles.» On n'était pas dans la représentation, mais dans un espace personnel, plus intime, dans lequel les gens sont dans l'action. Moi, je fais juste capter ça.»

Jacynthe Carrier a vécu sa passion dans la région de Québec. «Québec m'a beaucoup appuyée au départ, dit-elle. Quand j'ai fini mon bac, j'ai eu plein de belles occasions comme la Manifestation internationale d'art de Québec; j'ai exposé au Centre Vu; j'ai obtenu le prix Videre et fait des expériences à l'extérieur, comme à Rimouski.»

Elle retournera d'ailleurs à Rimouski en janvier présenter ses oeuvres À l'errance et Procession au Musée régional dans le cadre du Concours jeunes commissaires, où elle sera en compagnie de Julie Favreau (présente elle aussi à la Triennale) et de Vicky Sabourin, autre performeuse de la relève.

Actuellement, elle cherche des résidences d'artistes à l'étranger pour 2012 et poursuit son projet de maîtrise relié à l'agriculture et au corps travailleur. «Le champ est complètement manipulé, dit-elle. On en a une perception très bucolique, très «nature» alors que c'est un univers, un espace construit, formaté, humanisé de façon désolante. C'est donc un espace très intéressant pour réfléchir.»