Le mariage de Figaro de Beaumarchais a été joué pour la première fois en 1784 à la Comédie Française, enfin libéré de plusieurs années de censure royale. Succès instantané - 68 représentations consécutives ont suivi la première - , la pièce a séduit Mozart, qui trouvait son sujet licencieux, libertin et intéressant. Si bien que deux ans plus tard, il créait l'opéra Les noces de Figaro. Le Théâtre du Nouveau Monde entre dans l'année avec une mise en scène du Mariage signée Normand Chouinard.

«À 60 ans, j'arrive à un point où ce qui m'intéresse le plus est la mise en scène», me confie Normand Chouinard, que j'ai rencontré dans la salle de répétition du TNM, à quelques jours du congé des Fêtes.

 

Au TNM, où il est embauché pour une troisième fois (après Ubu roi et L'hôtel du libre-échange), Lorraine Pintal a pris l'habitude de lui confier des mises en scène de comédies festives. Un mandat qu'il embrasse dans la bonne humeur. «J'aime ça. Cela fait partie de ma nature de travailler avec une troupe. Il y a dans ces pièces une folie, quelque chose de pétillant qui me ressemble», exprime celui qui célèbre cette année ses 40 ans de métier.

Pour ce Mariage de Figaro, dont c'est la quatrième mouture québécoise depuis 1971, Chouinard a fait appel à des acteurs de renom (Emmanuel Bilodeau, Violette Chauveau, Normand D'Amour) ainsi qu'à des recrues à qui il a enseigné au Conservatoire. «C'est ce que j'appelle le service après-vente», dit Chouinard, qui a notamment confié des rôles à Bénédicte Décary, Alexandre Daneau, Catherine De Gresley et Catherine B. Lavoie.

Il y aura des moments chantés, promet le metteur en scène qui a «saupoudré» le spectacle de passages musicaux. «Je fais chanter les acteurs. Il y a aussi un musicien sur scène, dont c'est la tâche de composer la musique du mariage, qui se promène dans les pièces de la maison pour écrire.»

Le mariage, puis Les noces

Le commun des mortels connaît davantage Les noces de Figaro de Mozart que la pièce de Beaumarchais, de souligner Normand Chouinard. «Je me suis dit qu'il fallait mélanger les deux oeuvres, et ne pas faire semblant que l'opéra n'existe pas. C'est pourquoi j'ai ajouté ces petits extraits musicaux un peu partout, comme des clins d'oeil.»

Le mariage de Figaro, rappelle-t-il, est le centre nerveux d'une trilogie qui commence avec Le barbier de Séville et se clôt avec La mère coupable.

Trois ans après le mariage du comte Almaviva avec Rosine, on s'apprête à célébrer l'union du serviteur Figaro avec Suzanne, la première camériste de la comtesse. Franchement volage, le comte délaisse sa femme pour mieux courir les petites donzelles du château. En fait, il fait valoir le «droit de cuissage» pour justifier ses fréquents passages dans les lits des servantes et son intention de déflorer Suzanne.

«Mon défi était de ramener la pièce à une histoire simple: Figaro veut marier Suzanne, le comte veut coucher avec Suzanne avant qu'elle se marie, la comtesse essaie de l'empêcher et Suzanne aussi. Vont-ils réussir? Le mariage va-t-il se faire?» résume Normand Chouinard, qui voit Le mariage de Figaro comme une pièce sur l'abus de pouvoir et annonciatrice de la Révolution française. «Dans la pièce, Figaro dit aux nobles: «Vous vous êtes contentés de naître, alors que je me suis bâti moi-même. Vous n'avez aucun mérite.»»

Quarante ans plus tard...

Normand Chouinard, qui se replonge dans ses années d'étudiant avec Le mariage de Figaro, célèbre cette année ses 40 ans de carrière au théâtre. «J'ai commencé à 20 ans, à l'époque où à Québec, on pouvait faire une carrière d'acteur tout en travaillant ou en poursuivant des études universitaires.»

Tout comme Dorothée Berryman, Raymond Bouchard, Marie Tifo, Marie Laberge et Rémy Girard, entre autres, il a fait ses débuts d'acteur en travaillant le jour et en jouant le soir. «Quand j'ai commencé, j'enseignais le droit à l'Université Laval. J'avais un ami avocat qui, lui, plaidait le jour et jouait le soir.»

Auprès des Jean-Claude Germain, Gilles Renaud, Nicole Leblanc, Lorraine Pintal, il a fait partie d'une mouvance de jeunes qui voulaient faire du théâtre à tout prix. «On était branchés sur ces courants de nouveau théâtre basés sur l'impro, sur la recherche d'expressions dramatiques nouvelles», relate celui qui a quitté Montréal pour s'établir dans la région de Sherbrooke.

En quatre décennies de métier, il a touché à tout, a été Gaétan Brouillard dans Du tac au tac, fait du théâtre d'avant-garde avec Jean-Pierre Ronfard, joué En attendant Godot... Arrivé à 60 ans, il a le goût de donner congé à son acteur pour mieux se donner à la mise en scène. Au théâtre d'été, par exemple, comme à celui de Sherbrooke ou aux Tournesols à Cowansville. Et il y a des projets comme le spectacle musical sur Gauvreau, que lui et son ami Rémy Girard ont dévoilé au public au printemps dernier. «On travaille pour l'envoyer en Europe et en faire un disque. Il y a des grands théâtres à Paris qui veulent le faire...»

Pas mal, pour un avocat défroqué...

Le mariage de Figaro, de Beaumarchais, mise en scène de Normand Chouinard, du 13 janvier au 7 février au Théâtre du Nouveau Monde.

 

Pour en savoir plus sur Beaumarchais ET LE MARIAGE DE FIGARO

Le film Beaumarchais l'insolent, avec Fabrice Luchini, d'après la pièce de Sasha Guitry, réalisé en 1996 par Édouard Molinaro L'ouvrage Beaumarchais - Le voltigeur des Lumières de Jean-Pierre de Beaumarchais, paru dans la collection Découvertes chez Gallimard: un ouvrage concis et très richement illustré (1996)