Dans un couloir d'Espace Libre, Louise Marleau surgit comme une apparition, impeccablement coiffée et maquillée, corsetée et vêtue d'une ample robe de mousseline. Elle m'entraîne dans sa loge, où elle se met à son aise pour l'entrevue. Rien à faire: l'actrice est star, même quand elle fraie avec le théâtre de création.

De La femme française et les étoiles, mise en scène par Jean Asselin, Louise Marleau dit que c'est une «plongée dans le vide». Scabreux. Audacieux. Choquant. Il paraît que les mots nous manqueront...

 

«J'ai fait des choses tellement différentes au théâtre, qui me propulsaient en dehors de mon image mythique», lance Louise Marleau, qui concède que l'affiche de La femme française et les étoiles (où son visage est juxtaposé à un corps d'homme) en a déconcerté plusieurs.

«C'est une affiche qui dérange. Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils ne croyaient jamais me voir comme ça.»

Le directeur de Mime Omnibus a mis trois ans à convaincre Louise Marleau de plonger dans l'aventure sans filet de La femme française et les étoiles, de Louis Aragon. Asselin la voulait, elle, pour le rôle de cette femme qui veut être complètement libre, au grand désespoir de son jeune amant. «Lui, il souffre de cette femme qui ne conçoit pas l'amour sans infinie liberté, qui veut faire des expériences qui, d'habitude, sont réservées aux hommes.»

Un mime et une femme

Il y a bien sûr des similitudes entre la démarche d'Asselin et Marleau et celle du tandem Binoche-Khan, dont le passage montréalais coïncide avec la première de La femme française. «C'est une drôle de coïncidence. J'ai toujours été sensible à l'idée de confronter le corps et le texte, j'ai toujours été fascinée par cela», soutient Louise Marleau, qui se voit déstabilisée par ce travail en duo avec le mime Pau Bachero.

«C'est un objet étrange. J'ai très hâte de voir la réaction des gens. Normalement, je peux jauger l'impact qu'aura un spectacle sur une salle, mais là, je ne peux vraiment pas savoir comment les gens vont réagir. Il y a quelque chose qui m'échappe, dans l'écriture du mime.»

Même si Louise Marleau n'a jamais étudié le mime, Jean Asselin n'a jamais envisagé de choisir une autre actrice pour jouer cette Femme française. Pour des considérations d'âge et de forme physique, probablement. Mais aussi, sans aucun doute, pour la féminité à la fois forte et vulnérable que dégage Marleau. «Je me moque de lui. Je lui dis que je ne comprends rien de ce que je fais. Il me dit de ne rien changer, que c'est parfait», s'amuse la comédienne.

Mais il ne faut pas la croire malheureuse d'être plongée dans l'inhabituel, elle qui aime se trouver sur la corde raide et toujours se remettre en question «dans la vie privée comme au théâtre». C'est ma nature de casse-cou, ce besoin d'affronter les choses avec à la fois beaucoup de témérité et de peur au ventre. Ma revoilà qui remet ça, dans une forme théâtrale épistolaire, qu'on ne connaît pas beaucoup.»

La femme française et les étoiles, mise en scène et texte de Jean Asselin et Marie Lefebvre (d'après Louis Aragon), à Espace Libre du 13 janvier au 7 février.