Les travaux d'entretien et les réparations d'urgence à l'échangeur Turcot ont coûté 34 millions en seulement deux ans, en raison de la décrépitude de ce carrefour stratégique du réseau routier de Montréal, utilisé chaque jour par 280 000 véhicules.

L'an dernier seulement, selon le ministère des Transports du Québec (MTQ), pas moins de 500 interventions de nature et d'ampleur très diverses ont été nécessaires pour garder en fonction les 13 bretelles surélevées qui composent cette immense structure, qui relie entre elles les autoroutes Décarie (A-15), du Souvenir (A-20) et Ville-Marie (A-720) au sud-ouest de la métropole.

En 2007, ces interventions ont coûté un total de 12 millions au MTQ. En 2008, des travaux de renforcement d'une grande ampleur sous la bretelle La Vérendrye - qui relie Turcot au pont Champlain - ont fait bondir la facture des travaux d'entretien à 22 millions pour l'année en cours.

Ces travaux n'ont toutefois servi qu'à sécuriser et à prolonger la vie utile du plus gros échangeur routier du Québec en attendant sa démolition complète et son remplacement, prévus pour 2015.

En plus des 34 millions investis dans l'entretien des structures actuelles, le MTQ consacrera un total de 29 millions en études de sol et autres travaux de préparation en vue de la construction d'un nouvel échangeur, qui doit commencer dès l'an prochain et qui durera six ans.

Selon un porte-parole du MTQ, Terry McKinnon, ces sommes englobent les travaux de réparation du viaduc Angrignon, qui relie l'autoroute 20 au réseau local de l'arrondissement de Lachine, en périphérie de l'échangeur. Ce viaduc, dont l'état inspire aussi peu confiance que l'allure des hautes bretelles de l'échangeur Turcot, a été mis en chantier au cours des dernières semaines.

Contrat unique au Québec

À ces budgets consacrés à une infrastructure condamnée s'ajoutent enfin les coûts annuels d'inspection et de planification des travaux d'entretien, qui ont été confiés pour une période de 10 ans à un consortium formé par les firmes SNC-Lavalin, Dessau et Cima+.

Ce contrat, en cours depuis des années, vise à assurer une surveillance permanente sur l'état de l'échangeur Turcot. Unique au Québec, il prévoit des honoraires estimés à un total de 15 millions d'ici à la mise hors service du vieil échangeur. C'est ce qui a fait dire à la ministre des Transports du Québec, Julie Boulet, la semaine dernière, que l'échangeur Turcot est «la structure routière la plus surveillée au Québec».

Usure prématurée

Inauguré en 1967, juste à temps pour l'Expo, l'échangeur Turcot a été construit en à peine plus de 18 mois, au coût de 24 millions. Sa reconstruction, aujourd'hui, prendra six ans et devrait coûter environ 1,5 milliard.

Depuis cinq ans, l'échangeur a montré des signes de fatigue et d'usure de plus en plus inquiétants. Au début des années 2000, le MTQ avait discrètement entrepris d'envelopper plusieurs de ses hautes bretelles dans des filets d'acier pour prévenir les chutes de béton.

Ce béton dégradé se détachait des caissons qui supportent les voies de circulation surélevées. Cette dégradation accélérée, 35 ans seulement après la mise en service de l'échangeur, était alors attribuée au drainage défectueux des caissons, qui augmentait l'humidité interne de la structure et provoquait des éclatements de béton.

Quelques années plus tard, toutes les bretelles construites au-dessus de milieux habités ou d'autres infrastructures routières ont été à leur tour munies de filets d'acier.

Dans les années qui ont suivi, les fermetures complètes des bretelles, de nuit ou de week-end, visant à permettre des interventions ponctuelles sur la dalle ou le tablier des voies de circulation, sont devenues de plus en plus courantes. Pas un week-end ne passe, aujourd'hui, sans que le MTQ annonce la fermeture complète d'une ou plusieurs bretelles de l'échangeur, pour des durées de 12, 15 ou même 24 heures consécutives.

En 2007, la ministre des Transports du Québec a annoncé le remplacement complet de l'échangeur entre 2009 et 2015. Cette même année, la dégradation de plus en plus avancée de l'ouvrage a nécessité 500 interventions correctrices, en un an - plus d'une par jour en moyenne !

Durant les travaux de construction du nouvel échangeur, le MTQ projette de maintenir la fluidité de ce carrefour routier à 80% de son débit actuel - soit autour de 225 000 véhicules par jour - en raison du caractère hautement stratégique des liens autoroutiers assurés par l'échangeur Turcot.