L'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva a atteint, mercredi, son plus haut degré de tension depuis le début des audiences. Au coeur du témoignage de l'agent Jean-Loup Lapointe, le coroner André Perreault a même dû décréter une pause pour s'assurer que la suite des choses se déroule «sereinement».

Assis dans la première rangée, les parents de Fredy Villanueva ont eu l'air de trouver la journée pénible. Le grand frère de Fredy, Dany, sanglotait en silence en entendant l'agent Lapointe décrire son intervention qui a mal tourné. La mère de la victime de 18 ans a quitté la salle en pleurs.

Une dizaine de gardes du corps et de constables spéciaux surveillaient les faits et gestes du public composé d'une soixantaine de personnes. Tous ces gens s'étaient déjà soumis à une fouille, en plus de franchir les détecteurs de métal. Une vingtaine d'entre eux portaient des t-shirts à l'effigie de Fredy Villanueva. Cela a irrité l'avocat du policier, Me Pierre Dupras, qui y a vu une «tentative d'intimidation». Comme ce vêtement ne comporte aucun slogan, le coroner a répliqué qu'il n'y voyait rien de «confrontant».

Le coroner Perreault a souligné le comportement «tout à fait digne» des parents de Fredy Villanueva depuis le début de l'enquête publique. Il a invité le reste de la foule à agir aussi sereinement. L'avocat de la Fraternité des policiers, Me Michael Stober, assis juste devant la famille Villanueva, venait de se plaindre de «murmures» dans la salle qui le dérangeaient.

Ces gens tous vêtus du même t-shirt ont manifesté à l'heure du midi devant le palais de justice contre «l'impunité policière». «Lapointe, bourreau. Le peuple aura ta peau», scandaient-ils.

Avec calme et aplomb

Tout comme la veille, l'agent Lapointe a répondu avec calme et aplomb aux questions du procureur de l'enquête, Me François Daviault. Son récit collait à son rapport écrit remis à la Sûreté du Québec, un mois après les événements. Le 9 août 2008, l'agent âgé dans la vingtaine a tiré quatre balles en direction d'un groupe de jeunes, tuant Fredy Villanueva et blessant deux autres jeunes - Denis Meas et Jeffrey Sagor Metellus.

Ce soir-là, le policier est intervenu auprès de cinq ou six jeunes qui jouaient aux dés, contrevenant ainsi à un règlement municipal. Dans le lot, il a reconnu deux «membres du gang de rue des Bloods» - Jeffrey Sagor Metellus et Dany Villanueva. Il ne pouvait pas associer le nom de ce dernier à son visage, mais il le connaissait «de réputation».

Le policier a ordonné aux jeunes de s'immobiliser. Tous ont obéi, sauf Dany Villanueva. Le jeune homme s'est mis à gesticuler en criant qu'il n'avait rien fait. «Son visage est crispé. Ses yeux sont plissés. Il sort les dents. Son agressivité est dirigée vers moi», a raconté le policier.

Comme Dany Villanueva portait des vêtements larges, le policier a craint qu'il ne soit armé (la preuve révèle qu'aucun des jeunes ne l'était). Il lui a demandé de se calmer, sans succès. Il lui a ensuite pris un bras, sans jamais lui dire qu'il était en état d'arrestation. «Je n'ai absolument pas le temps de faire ça. Ma sécurité prime», a décrit le policier froidement.

Dany Villanueva a continué de se débattre. Les quatre autres jeunes - calmes jusque-là - se sont mis à crier et à chahuter. Ils se sont dirigés vers le policier, de façon «très hostile». L'agent Lapointe a alors appelé des renforts. «L'escalade de violence est très rapide», a-t-il insisté. La preuve révèle qu'il s'est déroulé moins d'une minute entre le moment où les policiers ont interpellé les jeunes et les coups de feu.

«Pour reprendre le contrôle», le policier a fait un fauchage à Dany Villanueva. Tous deux sont tombés au sol. La partenaire du policier, Stéphanie Pilotte, a alors tenté de maîtriser les jambes du jeune homme. La policière ne verra rien de la suite des événements, trop concentrée à sa tâche, selon son témoignage rendu plus tôt au cours de l'enquête.

«Les quatre personnes sont rendues sur moi», a poursuivi le policier. Dany Villanueva l'a frappé au visage. Fredy, lui, l'a agrippé au cou et a porté son autre main à son ceinturon. «Je me sens serré, agrippé de partout, a raconté le policier au coroner. Si je me fais voler mon arme à feu, c'est terminé.»

Aux yeux du policier, sa coéquipière ne pouvait rien pour lui. Les renforts n'arrivaient pas assez vite. Il ne pouvait pas se servir de son bâton télescopique ni de gaz poivre sans risquer d'être désarmé. «Je ne vois plus d'autres alternatives que de faire feu», a-t-il dit. Il a fait feu «sur une masse de corps» devant lui. Sur ce point, l'agente Pilotte l'a contredit. La policière a témoigné que son confrère avait fait un balayage à 180 degrés pour tirer sa quatrième balle, atteignant Jeffrey Sagor Metellus au dos. Or, l'agent Lapointe persiste et signe : il n'a jamais fait un tel balayage. Son témoignage se poursuit jeudi.