Ce n'est pas pour donner des contraventions, mais pour identifier des membres et sympathisants de gangs de rue que l'agent Jean-Loup Lapointe est intervenu le 9 août 2008 dans un parc de Montréal-Nord, a tenté de faire valoir hier l'avocat d'un des jeunes.

L'agent Lapointe n'a fait que suivre en cela les consignes du Service de police de la Ville de Montréal, et plus précisément celles de son poste de quartier, le PDQ 39, a suggéré Me Alain Arsenault lors de la reprise des audiences de l'enquête publique du coroner André Perreault sur la mort de Fredy Villanueva.Pendant plus de quatre heures, dans une tempête d'objections, Me Arsenault a multiplié les suggestions sur les motifs «obliques» du policier Lapointe. «Ce que je veux, c'est arriver aux véritables motifs d'intervention le 9 août. C'était télégraphié, c'est le débat qu'on ne peut éviter», a annoncé l'avocat. Il a notamment insisté sur un document, le Plan d'action pour 2008 préparé par le PDQ 39, qui faisait de la lutte contre les gangs de rue une priorité. On y promet d'assurer une «visibilité policière dans les parcs», endroits de prédilection des activités des gangs de rue, ainsi que d'«augmenter la connaissance des individus fréquentant les endroits ciblés».

Jean-Loup Lapointe a affirmé n'avoir jamais pris connaissance directement de ces consignes. Il a répété sa version des faits, à savoir qu'il s'était approché d'un groupe de jeunes jouant manifestement aux dés pour leur donner une contravention. Ce n'est qu'à quelques mètres de distance qu'il a reconnu deux membres actifs d'un gang de rue: Jeffrey Sagor Metellus et un autre qu'il connaissait de vue mais qu'il ne pouvait identifier formellement - Dany Villanueva.

C'est à la suite du refus des membres du groupe de s'identifier, puis de l'empoignade qui a suivi, que le policier a tiré quatre fois et tué le jeune Fredy Villanueva.

En réponse à Me Arsenault, qui défend M. Metellus, l'agent Lapointe a expliqué qu'il n'avait jamais eu le temps de transmettre quelque information que ce soit sur les jeunes. «Si l'événement s'était déroulé normalement, j'aurais terminé leur identification et transmis l'information pertinente, a-t-il déclaré. Mais je n'en suis jamais venu là. Sur place, l'idée de transmettre de l'information ne m'est d'ailleurs jamais passée par la tête.»

L'insistance de Me Arsenault a soulevé des dizaines d'objections, notamment celles de l'avocat de la Ville, Pierre-Yves Boisvert, qui ont considérablement ralenti les travaux. «La persistance, ça ne fait pas de la pertinence», a plaidé ce dernier, qui a accusé Me Arsenault de simplement «aller à la pêche». Quelque peu agacé, le coroner a d'ailleurs signalé en matinée n'avoir pris «qu'une page de notes, ce qui est inhabituel». Avec humour, il a cependant noté que «(la persistance), ça fait un bon pêcheur».

Les travaux de l'enquête publique reprennent ce matin avec la suite du contre-interrogatoire de l'agent Lapointe, qui sera cette fois questionné par les autres avocats des jeunes et de la famille Villanueva.