Contrairement à ce qu'il a dit plus tôt à l'enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, l'agent Jean-Loup Lapointe a déjà eu peur d'être désarmé et de mourir durant une intervention policière.

Deux ans avant l'événement tragique du 9 août 2008, une intervention s'est déroulée dans des circonstances similaires à celles dans lesquelles Fredy Villanueva a trouvé la mort, selon l'avocat de la famille Villanueva, Me Peter Georges-Louis.

En juillet 2006, l'agent Lapointe est intervenu auprès de six jeunes âgés de 16 à 20 ans dans un logement de Montréal-Nord. Un voisin avait appelé la police en raison d'un «bruit de bagarre et des vitres fracassées», selon le rapport signé de la main de l'agent. La situation a dégénéré rapidement, au point où il a aspergé les jeunes de gaz poivre. «Je craignais pour ma vie et de me faire désarmer», a-t-il écrit dans son rapport.

Contre-interrogé plus tôt durant l'enquête, le policier avait pourtant déclaré sous serment qu'il avait eu cette crainte une seule fois dans sa carrière: le soir où il a tiré sur Fredy Villanueva et sur deux autres jeunes.

La Ville de Montréal et l'avocat du policier, Me Pierre Dupras, se sont vivement opposés à la production de ce rapport en preuve, arguant que l'enquête du coroner ne devait pas se transformer en «procès du policier».

Selon ce rapport, lorsque le policier et son partenaire de l'époque sont entrés dans le logement, il n'y avait pas de bagarre. Une jeune femme leur a crié de quitter les lieux parce qu'ils n'avaient pas de mandat. Les autres jeunes s'en sont mêlés. Ils n'étaient pas armés mais avaient l'air «de cacher quelque chose», selon le policier. Les jeunes se sont mis à bousculer l'agent pour qu'il s'en aille. Ce dernier leur a demandé de reculer, sans succès.

Dans le rapport, l'agent Lapointe fait de l'un de ces jeunes une description semblable à celle qu'il a faite de Dany Villanueva - frère de Fredy - dans son rapport du 9 août 2008: «dents serré (sic), visage crispé», «n'écoute pas les ordres», «poingts (sic) serrés et tente de se libérer en tirant ma chemise et objet près de mon ceinturon».

«Pour mettre fin à la menace», le policier a alors décidé d'utiliser le gaz poivre. Lui-même incommodé par le gaz, sur le point de «perdre la vue», il a réussi à écarter la menace en poussant les suspects à l'extérieur de la chambre, où il s'est lui-même enfermé avec son confrère pour attendre les renforts. Un dénouement moins tragique, il va sans dire, que celui du 9 août 2008.

Hier, l'agent Lapointe a dit qu'il avait «oublié» cet incident puisqu'il n'avait pas eu peur d'être désarmé ni de mourir «avec la même intensité».

Armé à l'enquête

L'agent Lapointe porte une arme à feu durant son témoignage à l'enquête du coroner parce qu'il craint pour sa sécurité, a-t-on appris hier.

Cette révélation en a surpris plusieurs étant donné que des gardes du corps munis de gilets pare-balles et d'oreillettes encadrent le policier lorsqu'il entre dans la salle d'audience ou en sort. Les spectateurs doivent par ailleurs franchir des arches de sécurité avant d'entrer.

La veille, le policier a été questionné sur les raisons pour lesquelles il avait voulu porter son arme 24 heures sur 24 alors que la Sûreté du Québec enquêtait à son sujet, à l'automne 2008. Hier, il a tenu à corriger une partie de son témoignage. C'est en apportant une correction qu'il a fait cette révélation.

À son retour au travail, à la mi-septembre, l'agent Lapointe a demandé à son employeur de lui redonner une arme. Il l'a obtenue sur-le-champ. Puis, le 8 octobre (et non le 17 septembre comme il l'avait dit la veille), craignant pour sa sécurité, il a demandé une permission exceptionnelle pour pouvoir porter son arme 24 heures sur 24. Il a eu besoin d'un billet d'un médecin - peu importe lequel, semble-t-il, puisqu'il en a consulté un dans une clinique où il avait l'habitude d'aller. Le jour même, son employeur a accédé à sa demande. Cette permission était révisée aux deux semaines sans qu'aucun nouvel avis médical ne soit nécessaire.

«Nous n'avions aucune raison de désarmer le policier Lapointe», a plaidé Me Pierre Yves Boisvert, avocat de la Ville de Montréal et de son service de police. Me Boisvert est allé plus loin en disant qu'il trouvait cela «normal et approprié», ce qui a suscité des murmures de désapprobation dans la salle.

L'enquête du coroner reprendra le 29 mars avec la suite du contre-interrogatoire du policier.