Jeffrey Sagor-Metellus a beau plaider l'amnésie complète dans les semaines qui ont suivi la mort de Fredy Villanueva, il s'est rappelé ce matin une pratique curieuse des policiers de Montréal-Nord dont il aurait été victime. À au moins une reprise, l'agent Jean-Loup Lapointe l'aurait arrêté, menotté, promené en voiture pendant une quarantaine de minutes avant de le relâcher dans le stationnement d'un restaurant du boulevard Langelier, sans aucune accusation.

«Je me rappelle pas pourquoi il m'a arrêté, mais il m'a emmené derrière le Hollywood Diner, il a commencé à me parler de crack et à dire plein de bêtises, il a fumé sa cigarette et il m'a laissé partir», a déclaré Jeffrey Sagor-Metellus devant le coroner André Perreault, lors de l'enquête sur la mort de Fredy Villanueva. Cette «pratique», qui a piqué la curiosité du coroner, d'autres amis de Metellus en auraient été victimes. «Était-ce une habitude?», a demandé le coroner. «Oui, a répondu le jeune homme de 22 ans. C'est arrivé à d'autres, c'est toujours là qu'ils débarquent le monde, derrière le Hollywood.» Ces promenades ont eu lieu plusieurs mois avant les événements du 9 août 2008 et impliquaient d'autres policiers que Jean-Loup Lapointe.

Metellus, qui était au parc Henri-Bourassa le soir où le jeune Fredy a été tué et qui a reçu une balle dans le dos lors de l'intervention du policier Lapointe, ne s'est pas fait prier pour décrire les méthodes de ce dernier, qu'il a qualifiées de «brutales et sauvages». «Il essayait toujours de trouver des trucs pour nous donner des tickets, je me sentais bousculé, il m'énervait, il me faisait vraiment chier. Avant le 9 août, je l'ai vu arrêter un de mes amis, il l'a menotté, plaqué brutalement sur le capot et l'a rentré sauvagement dans l'auto de force.»

Il affirme avoir déjà écopé d'une contravention parce qu'il conduisait un vélo «trop petit et auquel il manquait des lumières». Dans Montréal-Nord, le policier Lapointe était considéré comme un «emmerdeur, quelqu'un qui n'était pas aimable» par l'ensemble de ses connaissances. En contre-interrogatoire par le procureur de la Ville de Montréal, Pierre-Yves Boisvert, Metellus a tout de même reconnu vendre de la marijuana pour subvenir à ses besoins. Il en est lui-même un gros consommateur, fumant près de deux grammes par jour qu'il roulait en «gros cigare» et ce, depuis l'âge de 12 ans.

Il a cependant réaffirmé qu'il ne s'intéressait pas aux gangs de rue et ne savait même pas si ses amis en faisaient partie.

Amnésie contestée

Les avocats, notamment celui de la policière Stéphanie Pilote et de la Ville, se sont évertués ce matin à démolir la thèse de l'amnésie complète dont aurait souffert Metellus après le 9 août. Le jeune homme a répété à maintes reprises n'avoir aucun souvenir des événements qui ont suivi la fusillade et ce, jusqu'à la fin août. «Je me rappelle que ma belle-mère venait toujours me soigner chez moi, après la deuxième opération, quand je suis sorti pour de bon (le 20 août). C'est mon premier souvenir.»

Or, de nombreux rapports médicaux indiquent plutôt un état de conscience plutôt alerte de Metellus. Trois de ces rapports, dont un date du lendemain de la fusillade, établissent par exemple son état de conscience à 14 sur 15 sur l'échelle de Glasgow, dont il a été abondamment question ce matin. Cette échelle attribue une note à trois aspects : la réponse verbale, la réponse motrice et l'ouverture spontanée des yeux. À l'exception de la réponse verbale considérée confuse, tous les autres indicateurs lui attribuaient le maximum de lucidité.

«Comment il peut arriver qu'il ait des interactions (avec le personnel médical) et qu'il nous dise qu'il n'en a aucun souvenir?», a plaidé Me Boisvert. Devant d'autres rapports qui indiquent une bonne santé, une orientation spatiale parfaite et peu de douleur, Jeffrey Sagor-Metellus a répété sans broncher : «Ils ne savaient pas ce que je ressentais. Je n'en ai aucun souvenir». Il a reconnu que sa grande consommation de marijuana pouvait affecter sa mémoire mais a essentiellement expliqué qu'il était du genre à se rappeler de «l'action». «Je fume du buzz, de la marijuana, alors je n'ai pas nécessairement une bonne mémoire pour des détails de ce qui est arrivé la semaine dernière. Je ne suis pas là pour me rappeler chaque matin ce que j'ai fait chaque jour.»

L'interrogatoire de Jeffrey Sagor-Metellus, qui a commencé mercredi dernier, se poursuit cet après-midi.