Le soir de la mort de Fredy Villanueva, les policiers n'étaient pas assez nombreux et n'avaient pas assez de véhicules pour réagir adéquatement à l'intervention policière qui venait de tourner au vinaigre à Montréal-Nord, a révélé le vice-président de la Fraternité des policiers de Montréal, Robert Boulé, hier, à la seconde journée de son témoignage à l'enquête du coroner André Perreault.

C'est du moins ce dont se sont plaints les policiers qui étaient en service ce soir-là, lors d'une réunion qui a eu lieu au poste de quartier 39 quelques jours après le 9 août 2008. Les agents Stéphanie Pilotte et Jean-Loup Lapointe n'y auraient pas assisté.

Le coroner Perreault a semblé intéressé par cette rencontre puisque l'avocat de la Ville de Montréal, Me Pierre-Yves Boisvert, lui avait assuré qu'il n'y avait pas eu de réunion au sujet de la mort de Fredy Villanueva.

Au cours de cette réunion, M. Boulé a demandé aux policiers de faire ressortir les lacunes de l'intervention policière une fois que les coups de feu eurent été tirés. «On prétend qu'il n'y avait pas assez de véhicules. Pas assez de personnel. C'est difficile de travailler dans ces conditions-là», a résumé le représentant syndical au coroner. Aucun rapport de cette rencontre n'a été produit. La direction a apporté des mesures correctives depuis, selon la Fraternité.

À son tour d'interroger le témoin, Me Boisvert, avocat de la Ville de Montréal, lui a fait préciser que cette rencontre était plutôt de nature syndicale. Ce n'était pas un «débriefing opérationnel», mais peut-être un «débriefing émotionnel et psychologique», selon l'avocat. La différence? Dans le premier cas, un rapport écrit doit être produit après la rencontre. Pas dans le second cas, a expliqué Me Boisvert, qui semblait en mode plaidoirie plus qu'en interrogatoire.

Accusé d'ingérence

Par ailleurs, les avocats du camp Villanueva ont accusé le vice-président de la Fraternité d'«ingérence» parce qu'il a recueilli la version de l'agent Jean-Loup Lapointe dans les heures qui ont suivi le drame. Les notes de cet entretien ont été gardées secrètes, si bien que la Couronne n'en connaissait pas l'existence lorsqu'elle a pris la décision de ne porter aucune accusation criminelle contre l'agent Lapointe.

De son côté, le représentant syndical se défend d'avoir contrevenu à la Loi sur la police, qui oblige tout policier à collaborer à une enquête criminelle sur l'un de ses pairs. Après avoir recueilli la version de l'agent Lapointe, M. Boulé en a fait un résumé au sergent-détective des crimes majeurs du SPVM, Jean-François Pagé. Il ne lui a toutefois pas révélé l'existence des notes.

«Je lui ai dit que l'intervention avait dégénéré en altercation verbale, que cette dernière avait dégénéré en altercation physique et que les policiers ont dû utiliser la force nécessaire pour maîtriser la situation», a expliqué le vice-président du syndicat, qui pouvait compter sur la présence de son président, Yves Francoeur, hier.

Robert Boulé affirme l'avoir fait par «courtoisie», pour que le SPVM puisse partager ces informations avec la SQ, à laquelle l'enquête avait déjà été confiée. Surtout pas parce qu'il voulait «s'immiscer» dans l'enquête. Il n'a jamais songé à fournir ses notes à la SQ, a-t-il affirmé, hier, interrogé par le coroner. Ce dernier l'a forcé à produire les notes après en avoir appris l'existence.

Autre révélation: le représentant syndical est entré en contact avec Me Gérald Soulière, l'avocat de l'agente Stéphanie Pilotte, pour lui demander d'ajouter à la déposition de sa cliente la mention: «Cette déclaration n'est pas libre et volontaire.» Aux yeux des avocats du camp Villanueva, cette intervention est une autre preuve d'ingérence de la Fraternité dans l'enquête criminelle de la SQ.

Robert Boulé n'est pas surpris que les enquêteurs de la SQ n'aient pas interrogé les agents Pilotte et Lapointe dans les premières heures, voire les premiers jours suivant le drame. «C'était conforme», a dit le policier d'expérience, qui a vu une dizaine d'enquêtes ainsi confiées à la SQ.

Rappelons que les avocats des jeunes témoins ont critiqué le fait que leurs clients se sont sentis forcés de donner leur version quelques heures après le drame, alors que l'agent Lapointe n'a remis sa version écrite à la SQ qu'un mois après les événements.