Lilian Madrid Villanueva est convaincue que si ses fils avaient été blancs, Dany n'aurait pas été interpellé de la sorte par la police, et surtout, Fredy ne serait pas mort.

«Je suis sûre que si mes fils avaient été blancs ou québécois, cette tragédie ne se serait pas produite (...) Mon fils est mort à cause du profilage racial.»

Lilian Madrid Villanueva a eu le dernier mot, jeudi, à l'ultime journée de plaidoiries de l'enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva. La mère de famille originaire du Honduras a livré un vibrant plaidoyer en espagnol, aidée d'une traductrice, sous le regard attentif du coroner André Perreault.

Mme Villanueva a tenu des propos très durs envers l'agent Jean-Loup Lapointe qui a tiré deux coups de feu sur Fredy Villanueva, l'atteignant mortellement le 9 août 2008 dans un parc de Montréal-Nord.

«Cet assassin m'a mutilée. Il m'a arraché une partie de ma vie. Il a détruit ma famille. Il a détruit le projet que mon mari et mes enfants avaient. Ce qu'il a le plus détruit, c'est Dany.» Chaque jour depuis la mort de son jeune frère, Dany va se réfugier au cimetière où le jeune homme de 18 ans a été enterré, a décrit la mère de famille.

Les deux policiers impliqués dans la mort de son fils, Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, étaient assis dans les premières rangées; encadrés comme à l'habitude de plusieurs gardes du corps. Ils n'ont pas bronché.

Mme Villanueva a répété qu'elle cherchait à obtenir justice et qu'elle s'adresserait à l'ONU si c'était nécessaire. «Je demande que cet assassin soit incarcéré. C'est une honte pour le corps policier que cet homme soit encore membre du service de police.»

La mère de famille croit que Fredy n'a jamais frappé l'agent Lapointe en tentant de libérer Dany de l'emprise du policier. «Il n'aurait pas levé la main sur qui que ce soit. Il était paniqué à la vue de son frère qu'on étranglait par terre», croit-elle.

De la compassion de la Fraternité

Cette version est à des années-lumière de celle de la Ville de Montréal, de son service de police et de la Fraternité des policiers. Aux yeux de la police, Dany est responsable de la mort de son frère puisqu'il a résisté à son arrestation.

«L'intervention des policiers était justifiée. Malheureusement, elle a mal tourné. J'espère que la population va retenir qu'on ne s'attaque pas aux policiers», a dit le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, à sa sortie de la salle d'audience. La Fraternité ne se formalise pas des propos de Mme Villanueva. «Ce sont des propos un peu durs, mais on comprend que c'est le témoignage d'une mère qui a perdu son fils. On a beaucoup de compassion pour elle», a ajouté M. Francoeur.

Mme Villanueva a dépeint son fils de 18 ans comme un «enfant pur», «travaillant», qui n'a jamais désobéi à ses ordres. Il rêvait d'ouvrir un garage avec son père et son grand frère. L'été de sa mort, en août 2008, il travaillait dans un champ de haricots à Saint-Rémi pour se payer un cours professionnel, a raconté la mère de cinq enfants.

À la fin de son plaidoyer, Mme Villanueva a été chaudement applaudie par sa famille et les militants contre la brutalité policière qui s'étaient déplacés pour l'entendre.

«J'ai la conviction que votre fils, Fredy, serait fier du portrait que vous avez dépeint de lui; du portrait qu'il a laissé à sa mère», lui a dit le coroner avant de lui souhaiter bonne chance en espagnol.

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Par ailleurs, les recommandations du coroner Perreault ne risquent pas d'être rendues publiques de sitôt. Jeudi, au terme de 107 jours d'audience, le coroner a refusé la demande du clan Villanueva de produire un rapport intermédiaire d'ici à ce que la Cour supérieure se penche sur la question des étuis des policiers. C'est que la Ville de Montréal et la Fraternité des policiers de Montréal contestent devant la Cour supérieure une décision du coroner au sujet du mécanisme de sûreté de l'étui à arme à feu des policiers. La Ville promet de se rendre jusqu'en Cour suprême s'il le faut.