«Gâchis européen.» Fermeture «inutile» de l'espace aérien. L'élite de l'industrie aérienne n'a pas mâché ses mots pour condamner la réponse européenne face à la nuée de poussières volcaniques sur son territoire.

Les dirigeants du continent ont cependant exaucé ses prières et celles de centaines de milliers de voyageurs hier en annonçant la réouverture graduelle du ciel européen à partir d'aujourd'hui.

Trois zones géographiques avec différentes consignes de sécurité ont été établies hier, à la suite de la réunion d'urgence des ministres des Transports.

La plus proche du centre des émissions de cendres volcaniques sera toujours interdite d'accès aux avions. Les restrictions seront assouplies pour une seconde zone et entièrement levées pour une troisième.

Le ciel de la Grande-Bretagne devait rouvrir aujourd'hui, toutefois, l'incertitude planait par suite d'une nouvelle poussée de l'activité du volcan hier soir. Un nouveau nuage de cendres se dirigeait vers le territoire britannique.

«Cela démontre les conditions changeantes dans lesquelles nous devons travailler», a indiqué l'Agence britannique de navigation aérienne dans un communiqué.

La France devrait être en mesure d'établir des couloirs sécuritaires aujourd'hui pour les liaisons entre Paris et les aéroports du Sud.

Vols au compte-gouttes

Plusieurs pays scandinaves et de l'Europe centrale, comme la Pologne, l'Autriche, la Bulgarie et la Hongrie, avaient déjà donné le feu vert à la reprise de leur trafic aérien hier.

Ailleurs, des vols spéciaux étaient accordés au compte-gouttes. Lufthansa a obtenu la permission de transporter 15 000 voyageurs à bord de 50 appareils vers l'Allemagne.

Aussi, trois avions ont décollé d'Amsterdam en soirée en direction de Shanghai, Dubaï et New York.

Un tiers des vols européens ont eu lieu, soit entre 8000 et 9000.

La crise aérienne a cloué au sol 6,8 millions de voyageurs, selon l'organisation Airports Council International.

Une réponse exagérée?

Des sommités de l'industrie aérienne ont haussé le ton face à la gestion de crise de l'Europe hier.

«C'est un embarras pour l'Europe», a tonné le directeur de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Giovanni Bisignani, dans une entrevue à la BBC.

«Il y a eu un manque de leadership. Il a fallu cinq jours aux ministres des Transports pour organiser une réunion d'urgence. Cela n'a aucun sens», a dit M. Bisignani, qui a plus de 20 ans d'expérience dans l'industrie.

Les compagnies aériennes, dont les pertes s'élèvent à 250 millions par jour, ont également accentué la pression pour reprendre leurs activités. Elles ont exécuté une quarantaine de vols d'essai sans problème au cours du week-end.

Le directeur de British Airways, Willie Walsh, a qualifié la fermeture de l'espace aérien d'»inutile». La décision de voler ou pas devrait revenir aux transporteurs en cas d'éruption volcanique, a plaidé M. Walsh.

À l'heure actuelle, chaque pays européen a le dernier mot sur son trafic aérien. Les règles pourraient changer avec cette crise. Le modèle américain, qui accorde la responsabilité aux compagnies aériennes, est à l'étude à la Commission européenne.

Des politiciens sont montés au front pour défendre la décision de leur gouvernement. «En matière de sécurité aérienne, on ne prend jamais assez de précautions», a déclaré le ministre du Transport français, Dominique Bussereau.

Un responsable de l'OTAN lui a donné raison hier. Les moteurs d'un chasseur-bombardier F16 se sont vitrifiés au contact du nuage de cendres, a indiqué le porte-parole américain à des journalistes à Bruxelles. La poussière de l'Eyjafjallajökull, riche en silice, peut se transformer en verre à des températures élevées.

Navires de guerre à la rescousse

Pendant que ce débat faisait rage, des centaines de milliers de passagers étaient toujours bloqués à l'étranger. Certains pays ont pris les grands moyens pour rapatrier leurs ressortissants. La Grande-Bretagne a envoyé hier matin trois navires de guerre vers l'Espagne pour ramener le plus de voyageurs possible vers l'île.

L'absentéisme au travail des naufragés de l'air coûte 500 millions de dollars à l'Europe en perte de productivité, a estimé l'économiste Jacques Cailloux à la Royal Bank of Scotland.

La recrudescence de l'activité de l'Eyjafjallajökull hier soir a donné raison aux géophysiciens islandais qui insistent depuis le début sur son imprévisibilité. Il s'agit de sa seconde éruption en un mois.