L'environnement d'affaires des résidences de personnes âgées s'est détérioré au point où il ne faudrait pas s'étonner que de nouveaux acteurs se retirent du marché. L'an dernier, Melior et Masterpiece ont remis les clés de leurs immeubles au syndic nommé par leurs créanciers.

Taux d'inoccupation, frais d'exploitation et tracasseries administratives, tous ces paramètres sont en hausse, ce qui se répercute sur la marge bénéficiaire des gestionnaires des résidences.

Dans les circonstances, la construction de nouvelles unités, déjà en baisse en 2010, restera limitée en 2011, disent, unanimes, les observateurs du marché.

Quant à la revente de résidences, prêteurs et assureur-prêts, comme la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), ont resserré le financement. «Les critères sur papier sont restés les mêmes, explique Richard Perreault, courtier spécialisé dans la revente de résidences spécialisées, de Montréal, mais quand vient le temps d'analyser un dossier, la SCHL va normaliser (à la baisse) les revenus et (à la hausse) les dépenses de la résidence de sorte qu'il vont prêter 85% d'une valeur réduite d'un actif.»

Le portrait a changé du tout au tout en 10 ans. Au début des années 2000, le taux d'inoccupation des résidences comptant au moins 20 unités était d'à peine 1%. Ce taux a progressivement monté à 4,1%, en 2005 au fur et à mesure que les promoteurs lançaient leurs projets. Le taux a atteint 8,4% l'an dernier.

On s'attend à ce que le taux demeure élevé parce que le nombre de ménages de 75 ans et plus n'augmentera pas beaucoup pendant quelques années.

Ce sont les enfants de la dépression des années 30, moins nombreux que dans les cohortes précédentes et suivantes, qui atteignent cet âge vénérable où l'on commence à considérer le logement en résidence.

«Avec des taux d'inoccupation de cette ampleur, quelqu'un qui s'est endetté jusqu'à 85% de la valeur de ses actifs peut facilement tomber en déficit d'exploitation» dit Mathieu Duguay, vice-président exécutif de Cogir, qui gère 35 résidences comprenant 8000 unités, la plupart sous la bannière des Résidences Azur. Son groupe pense acquérir des reprises de finance.

M. Duguay gère sept anciennes résidences du Groupe Melior pour le compte de créanciers. D'autres résidences de Melior ont abouti dans les mains de son partenaire Chartwell, un fonds immobilier coté en Bourse.

Melior avait connu une expansion phénoménale dans les années 2000. En juillet 2007, son président Jean Maynard affirmait gérer un parc de 9000 logements répartis dans 30 complexes d'habitation. Melior a commencé à éprouver des problèmes financiers à compter de 2009.

Le Groupe Masterpiece a aussi déposé une cession de biens en 2010. Il possède une résidence à L'Île-des-Soeurs et à Pointe-Claire. Dans le rapport du Syndic RSM Richter, on explique ses problèmes en raison des dépassements de coûts du projet de L'Île-des-Soeurs et du faible taux d'occupation de trois de ses propriétés qui ne dépassait pas 50% en avril 2010. RSM Richter n'a pas rappelé La Presse Affaires.

Plusieurs défis

Outre la hausse du taux d'inoccupation, les exploitants doivent faire face à une croissance des coûts plus rapide que celle des revenus.

Les hausses répétées du salaire minimum et les visées du Comité paritaire d'entretien des édifices publics menacent de créer une inflation des coûts salariaux, se plaignent les gestionnaires.

En vertu du décret sur le personnel d'entretien d'édifices publics, les employés d'entretien gagnent environ 15,50$ de l'heure. Le personnel syndiqué d'une résidence attitré au ménage a un salaire horaire de 12$ à 13$. Si le comité paritaire entre dans les résidences, ça chamboulera la structure salariale de l'exploitant, fait valoir M. Duguay.

«Une décision récente de la Cour d'appel élargit la portée du décret au personnel d'entretien de certaines résidences pour aînés», explique Christine Bigras, directrice du Comité paritaire, région de Montréal. Depuis 1994, le personnel des propriétaires de résidences pour personnes âgées n'est plus formellement exclu du décret. Jusqu'à ce jugement de décembre 2009, la compréhension de l'industrie était que le décret ne s'appliquait généralement pas aux résidences privées. Une révision des décrets des régions de Québec et de Montréal est prévue en 2011.

Pendant ce temps, les loyers des résidences sont contrôlés par la Régie du logement qui applique la même grille de fixation que pour les logements locatifs traditionnels.

«Il y a 10 fois plus de personnel dans une résidence pour aînés que dans un bloc d'appartements ordinaire», souligne M. Duguay. Il voudrait que la Régie utilise une grille spécifique aux résidences.

Ce n'est pas tout. Le PDG du Regroupement québécois des résidences pour aînés, Yves Desjardins, montre du doigt la copie de travail de la nouvelle version du règlement sur la certification des résidences qui propose d'augmenter le nombre de critères à respecter d'une vingtaine à une cinquantaine. «Il y aura des coûts que ne seront pas capables d'absorber les locataires», prévient-il.

Autre dossier litigieux, la Ville de Québec a décidé d'imposer les résidences pour personnes âgées comme bâtiment commercial, du moins en partie, plutôt que résidentiel. Le hic, le taux de taxation non résidentiel peut être deux fois plus élevé que le taux résidentiel dans les municipalités. Une dizaine de propriétaires contestent la décision des autorités de la Capitale devant le tribunal administratif.

Une année fort occupée en vue.