(Montréal) Le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ) a tendu la main aux anglophones mardi. Il promet d’abroger la réforme de la Charte de la langue française pour protéger les « droits historiques » de la minorité anglophone et accuse au passage le chef caquiste François Legault d’avoir divisé la population entre francophones et anglophones.

« On n’est pas contre [la loi 96] au complet, mais on veut la répudier parce qu’elle a envoyé un mauvais signal, a expliqué Éric Duhaime en conférence de presse. Pour moi, présentement, elle est devenue un symbole de division au Québec et de désunion, et on veut repartir sur de nouvelles bases. »

Éric Duhaime a fait cette annonce en alternant entre le français et l’anglais, à l’Institut du courtage et de la finance, à Montréal. En soirée, il a courtisé directement les membres du Quebec Community Groups Network, qui représente la communauté anglophone, lors d’une rencontre virtuelle.

« 2022 n’est pas 1972 », leur a-t-il dit, voulant mettre de côté le clivage entre les francophones et les anglophones.

Le chef conservateur est en désaccord avec l’usage de la disposition de dérogation pour mettre la loi 96 à l’abri des contestations judiciaires. Pour lui, c’est un enjeu de libertés individuelles.

Il préfère agir sur le front de l’immigration « pour mieux protéger et promouvoir le français ».

Il voudrait rapatrier les pleins pouvoirs du gouvernement fédéral dans ce domaine « d’une façon non partisane, non souverainiste », pour que les nouveaux arrivants « comprennent que d’apprendre le français est un prérequis au Québec ».

Ottawa a déjà opposé une fin de non-recevoir à une demande similaire de la Coalition avenir Québec (CAQ), mais Éric Duhaime estime que les conservateurs seraient dans une meilleure posture pour négocier.

Le chef conservateur veut aussi sélectionner les immigrants qui maîtrisent le français, qui sont mieux disposés à l’apprendre, ou qui ont « une volonté plus grande » de le faire, et rendre les programmes linguistiques plus accessibles pour favoriser leur apprentissage.

Il promet un nouveau projet de loi inspiré du rapport de Claire Samson sur la francisation des immigrants qui avait été rendu public en 2016. Elle avait quitté la CAQ pour le PCQ en 2021, mais a choisi de ne pas se porter candidate cette fois.

Éric Duhaime répète souvent dans ses déclarations publiques que l’élection est historique parce qu’elle sort de l’axe souverainiste-fédéraliste pour entrer dans l’axe gauche-droite.

Pour la première fois en presque une génération, les anglophones ont un vrai choix et ils pourront voter selon leurs croyances au lieu d’être tenus pour acquis.

Éric Duhaime

Selon un sondage Léger dévoilé au début de la campagne électorale, le PCQ attire 15 % des intentions de vote des non-francophones, contre 53 % pour le Parti libéral du Québec. Plus de la moitié d’entre eux ont indiqué qu’ils pourraient changer d’idée d’ici au 3 octobre. Le parti d’Éric Duhaime est le deuxième choix de 19 % des non-francophones.

Ce sondage a été réalisé par l’entremise d’un panel web du 22 au 26 août auprès de 1000 électeurs québécois. La méthode utilisée ne permet pas de calculer une marge d’erreur, mais elle serait de 3,1 %, 19 fois sur 20, dans le cas d’un sondage probabiliste où les répondants sont sélectionnés de façon aléatoire.

François Legault réagit

« On a eu des chiffres qui nous disaient qu’il y a un déclin du français et là monsieur Parti conservateur du Québec nous dit qu’il veut abroger la loi 96 pour protéger le français, a fait remarquer le chef caquiste, François Legault, sans prononcer le nom de son adversaire. Puis il n’a aucun moyen à proposer pour arrêter le déclin du français. »

« Le Parti conservateur souhaite remplacer le Parti libéral dans le West Island », a répliqué pour sa part le candidat du Parti québécois dans Matane-Matapédia, Pascal Bérubé.

La cheffe libérale Dominique Anglade a accusé M. Duhaime de tenir un discours devant les francophones et un autre devant les anglophones. Elle a donné un seul exemple, celui de l’agrandissement du collège Dawson, un cégep anglophone – un projet autorisé puis annulé par le gouvernement Legault. « Est-ce qu’il va faire l’expansion ou il ne va pas la faire ? Il dit une chose en français et il dit une chose en anglais », a-t-elle dit.

Éric Duhaime s’était prononcé contre ce projet lors de la course à la direction du Parti conservateur du Québec. Il s’est ensuite dit ouvert si on lui fait la démonstration que celui-ci est nécessaire et ne remet pas en question l’équité du financement entre les cégeps. Il l’a déclaré dans une entrevue radiophonique en anglais au début de la campagne, mais il l’avait aussi dit en français il y a quelques semaines.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

La clause dérogatoire légitime pour la loi 21, mais pas pour la loi 96

Éric Duhaime a justifié mardi soir l’usage de la clause dérogatoire dans la Loi sur la laïcité de l’État, mais pas dans la loi 96 pour protéger la langue française. Il a promis de laisser ses députés conservateurs voter librement sur l’interdiction du port de signes religieux pour les enseignants si la loi 21 était éventuellement rouverte. La question a été soulevée lors d’une rencontre virtuelle avec des membres du Quebec Community Groups Network. L’usage de la clause dérogatoire dans la Loi sur la laïcité de l’État a une « légitimité politique », selon lui, parce qu’elle est issue d’une promesse de campagne électorale, qu’il y avait déjà eu de grands débats sur la question et qu’une majorité de Québécois la soutiennent. « Ce que je n’ai pas aimé de la loi 96 est que cela empêchait les gens de porter leur cause devant la cour », a-t-il ajouté.

Mylène Crête, La Presse

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