(Bécancour) François Legault rêve de construire de nouveaux barrages. Il mandate Hydro-Québec d’évaluer cette possibilité et de lui présenter dans « les prochains mois » des propositions pour lancer des chantiers.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) estime que les besoins croissants du Québec en électricité, qui s’expliquent à la fois par le virage électrique en matière de transport et par le virage vert des industries qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), justifient que le Québec se lance dans la construction de nouveaux barrages. À l’heure actuelle, il faut 15 ans pour en construire un.

« Juste pour vous donner un ordre de grandeur, Hydro-Québec produit par année 200 térawatts-heures d’électricité. Quand on regarde la liste [des projets des entreprises qui s’en viennent], on va avoir besoin de 100 térawatts-heures de plus. Il ne faut pas être comptable pour comprendre. Ça veut dire qu’il va falloir construire un demi Hydro-Québec dans les prochaines années. Ce n’est pas un petit mandat », a dit M. Legault mardi lors d’une allocution devant les gens d’affaires de la région du Centre-du-Québec et de la Mauricie.

« Le développement de la filière batterie, la production d’hydrogène vert, l’électrification des transports et la transition des grandes industries, comme les aciéries et les alumineries, vers des énergies renouvelables ne sont que quelques exemples qui expliquent la hausse importante de la demande d’électricité verte au Québec », explique le parti.

Création de richesse

Le candidat caquiste dans la circonscription de Terrebonne et ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, croit également que les gains qui doivent être faits en efficacité énergétique ne suffiront pas à combler la croissance de la demande en électricité.

« Il est prématuré de dire qu’on va lancer un barrage la semaine prochaine. Mais clairement, les besoins énergétiques sont tels qu’il faut tout regarder parce que juste faire des [gains en efficacité énergétique] ou de l’éolien, ce n’est probablement pas suffisant », a-t-il dit en marge de l’annonce de M. Legault.

Selon le chef caquiste, les investissements privés des entreprises qui présentent des projets au gouvernement permettraient au Québec, avec ces nouveaux barrages, de réduire significativement son écart de richesse avec l’Ontario. En mêlée de presse, mardi, François Legault n’a pas identifié les divers scénarios où Hydro-Québec pourrait construire de nouveaux barrages hydroélectriques dans le nord de la province. Il a redirigé ces questions à la présidente-directrice générale de la société d’État, Sophie Brochu, qui n’était pas présente pour l’annonce. À l’automne 2021, cette dernière affirmait qu’Hydro-Québec n’avait aucun projet pour construire de nouveaux barrages dans un avenir prévisible.

En plus des nouveaux barrages, s’ils voient le jour, « un gouvernement de la CAQ demandera à Hydro-Québec de procéder à l’acquisition d’électricité et à la construction de parcs éoliens d’une puissance totale de 3000 MW », a-t-on aussi précisé. Le parti de François Legault promet également d’investir 40 millions pour créer un Centre intégré sur les batteries électriques pour stimuler la filière batterie et l’innovation.

Tripler le nombre de bornes de recharge d’ici 2026

François Legault a aussi promis mardi de tripler d’ici 2026 le nombre de bornes de recharge pour les voitures électriques à travers le Québec et de doubler le nombre de bornes rapides, s’il est élu le 3 octobre.

« Le Québec s’est doté d’objectifs ambitieux en matière d’électrification des transports. Il vise 1,6 million de véhicules électriques sur les routes en 2030. […] Il y a présentement 143 000 voitures électriques sur les routes du Québec, en plus de divers types de camions électriques. Un réseau complet de bornes de recharge devient essentiel pour assurer le succès de cette importante transition vers un transport électrifié », affirme la CAQ.

À ce jour, le parti de François Legault a identifié la moitié de l’effort à faire afin d’atteindre la cible du Québec de réduire ses émissions de GES de 37,5 % d’ici 2030 sous le niveau qu’ils étaient en 1990. Le candidat caquiste dans la circonscription de Deux-Montagnes et ministre de l’Environnement, Benoit Charette, affirme que son parti identifie chaque année entre 6 à 8 % des mesures nécessaires pour atteindre l’objectif. Si la plus récente mise à jour du plan pour une économie verte chiffrait donc 51 % de l’effort à faire pour y parvenir, la CAQ estime qu’elle serait capable de chiffrer plus de 80 % des mesures d’ici la fin d’un potentiel second mandat.

C’est du passé, selon Anglade

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a misé sur la construction de barrages hydroélectriques au cours des dernières décennies. Le plus récent projet est la construction du complexe de la Romaine, lancée sous Jean Charest en 2009. Mais aujourd’hui, la cheffe libérale Dominique Anglade considère que c’est une solution dépassée. Son prédécesseur, Philippe Couillard, avait écarté lui aussi l’idée de nouveaux barrages.

« François Legault joue dans un film en noir et blanc alors que la réalité est en couleur », a réagi Mme Anglade lors d’une conférence de presse à Drummondville. Aujourd’hui, à l’heure où on se parle, la priorité devrait être mise sur toute la question de l’économie d’énergie, toute la question du solaire, de l’éolien et de l’hydrogène vert. » Son projet ÉCO vise justement à développer cette filière de l’hydrogène vert.

« 47 % de ce qu’on consomme au Québec sont des hydrocarbures. On ne pourra pas tout électrifier, a-t-elle plaidé. On ne sera pas en mesure de le faire d’un point de vue technologique. Il nous faut aller vers l’hydrogène vert. Cet hydrogène vert va nous permettre de faire en sorte que les camions qui roulent sur nos routes ne libéreraient plus de GES. Ça ferait en sorte que nos usines n’émettent plus de GES. C’est ça, l’avenir, et c’est ça, la modernité lorsque l’on parle du XXIe siècle et de la lutte aux changements climatiques. »

Legault « improvise », dénonce Nadeau-Dubois

Le plan de François Legault en matière énergétique à peine annoncé, son adversaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, l’a accusé d’improviser.

« Il pellette le problème par en avant. Il dit : je vais demander des études à Hydro-Québec pour peut-être faire de nouveaux barrages. On n’a pas besoin d’études, on a besoin d’actions maintenant. On a besoin d’actions maintenant. On a besoin d’actions maintenant pour réduire rapidement la pollution des gaz à effet de serre au Québec. SI on veut l’atteindre, la carboneutralité, en 2050, on ne peut pas attendre des barrages qui vont être construits dans des dizaines et des dizaines d’années », a-t-il dit.

« J’aimerais ça qu’on demande à M. Legault quelles rivières il veut harnacher pour faire ses nouveaux barrages. […] Je ne m’oppose pas à des barrages par principe parce que je n’aime pas ça. Ce que je vous dis, c’est que ce n’est pas nécessaire pour atteindre nos cibles de réduction de GES », a-t-il ajouté.

La CAQ « brûle des étapes », selon le PQ

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, ne ferme pas la porte à la construction de nouveaux grands ouvrages hydroélectriques, mais estime qu’il faut d’abord s’assurer que tout ce qu’il est possible d’être fait sur le plan de l’efficacité énergétique soit fait.

« L’efficacité énergétique est un chantier qui est inachevé et avant de commencer à promettre des barrages en campagne électorale, il me semble qu’il y a du travail à faire sur le plan environnemental et sur le plan du comportement tant des industries que des individus », a expliqué le chef péquiste. « Il faut ouvrir la porte aux barrages hydroélectriques, mais il ne faut pas brûler les étapes ».

Avec Tommy Chouinard, Charles Lecavalier et Fanny Lévesque, La Presse

Abonnez-vous à notre infolettre Le bulletin électoral