(Ottawa) Le gouvernement québécois a déjà tous les pouvoirs dont il a besoin en matière d’immigration, a argué mardi Pablo Rodriguez, lieutenant québécois de Justin Trudeau.

S’il a dit comprendre que la défense de la langue française représentait « quelque chose de très important » pour le premier ministre François Legault et que ce dernier était « très sincère dans ce qu’il fait », le ministre montréalais n’a pas envoyé le signal qu’Ottawa était enclin à céder à Québec des pouvoirs en immigration.

Il n’a pas voulu s’avancer sur la façon dont le fédéral accueillerait l’idée d’un potentiel référendum sectoriel sur l’immigration, scénario que le dirigeant caquiste a évoqué dans la dernière ligne droite d’une campagne électorale marquée par des bourdes sur les questions migratoires.

« On ne m’a jamais abordé avec cette proposition-là », s’est contenté d’affirmer Pablo Rodriguez en mêlée de presse lorsqu’on lui a demandé si la démarche était vouée à l’échec. Et deux fois, il a plaidé que Québec avait « tous les outils en main actuellement pour choisir la très grande majorité de ses immigrants ».

Déclinant l’invitation de se prononcer sur les impairs de la campagne caquiste, la ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Pascale St-Onge, y a tout de même subtilement fait allusion en énumérant les chantiers qui l’attendaient.

« On va continuer à travailler avec le gouvernement de M. Legault sur tous les dossiers qui sont importants pour les Québécois, incluant ce qui a trait à la rareté de la main-d’œuvre, et, inévitablement, l’immigration », a-t-elle exposé au micro dans le foyer de la Chambre des communes.

Le premier ministre Justin Trudeau a déjà fermé la porte à l’idée de transférer à Québec plus de pouvoirs. Son allié parlementaire, Jagmeet Singh, est dans le même camp, même s’il est d’avis qu’il faut tendre l’oreille aux besoins des provinces qui veulent accueillir davantage d’immigrants… ce qui n’est pas le cas du Québec.

Faute avouée pardonnée

Le ministre Rodriguez, qui avait été profondément heurté par les propos de François Legault sur l’immigration, a dit croire en la sincérité de l’allocution de victoire rassembleuse du premier ministre québécois réélu. L’éponge est passée, a-t-il assuré.

« J’avais été personnellement blessé, je l’avais dit très ouvertement. Je pense qu’il y a eu des propos malheureux tenus sur l’immigration au cours de la campagne, mais moi, je suis très content du ton, du discours de M. Legault, [lundi] », a soutenu l’Argentin d’origine.

L’important, c’est qu’on se dise collectivement qu’un Québécois, c’est un Québécois, point.

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine et lieutenant québécois de Justin Trudeau

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a aussi été ébranlé. « Il y a eu des propos partagés par la CAQ qui étaient dangereux, qui attaqu[ai]ent les immigrants, qui étaient faux. M. Legault avait raison de s’excuser », a-t-il déploré mardi en conférence de presse.

Une distorsion « claire »

Invité à donner son avis sur la distorsion des résultats électoraux en marge d’une annonce, mardi matin, le premier ministre canadien n’a pas voulu s’étendre sur la question. Lui qui avait promis une réforme du mode de scrutin au fédéral, avant de renier son engagement, a préféré vanter la robustesse de la démocratie.

« Quand on regarde à travers le monde, on peut être rassurés qu’au Canada, on a une démocratie forte, et on a des élections qui se déroulent avec des débats acharnés, mais dans la paix et dans la civilité, ce qu’on n’est pas en train de voir nécessairement à travers le monde », a-t-il déclaré.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

De son côté, Jagmeet Singh n’a pas hésité à qualifier la majorité écrasante obtenue par la Coalition avenir Québec de « distorsion claire » témoignant de l’urgence de procéder à une réforme électorale, l’un des chevaux de bataille de sa formation politique.

Félicitations de l’opposition

Le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, s’est tourné vers Twitter pour adresser ses félicitations à François Legault. « J’ai hâte de poursuivre notre travail ensemble pour le peuple du Québec et du Canada », a écrit mardi le dirigeant, qui a rencontré la presse une seule fois depuis sa victoire, le 10 septembre.

Le triomphe « sans équivoque » du premier ministre québécois a aussi été salué mardi par le leader bloquiste Yves-François Blanchet. « Notre caucus demeurera la voix à la Chambre des communes des consensus de l’Assemblée nationale et d’une vision forte de la nation québécoise », a-t-il assuré.