François Legault qui se fait dire qu’il exagère par Éric Duhaime, c’est un peu comme un humoriste qui se ferait dire par Mike Ward que sa joke va trop loin.

C’est un signe…

Oui, bien sûr, le premier ministre a présenté des sortes d’excuses sur Twitter : « L’immigration est une richesse pour le Québec. »

J’étais content de lire ça, parce qu’il associe presque toujours l’immigration à un problème, une menace.

Il s’est aussi dit « désolé » que ses propos aient « porté à confusion ».

Or, de confusion, il n’y avait pas, deux heures plus tôt. Interrogé sur le genre de problèmes que poserait une augmentation des seuils d’immigration au Canada, il a dit ceci : « Les Québécois sont pacifiques. Ils n’aiment pas la chicane. Ils n’aiment pas les extrémistes. Ils n’aiment pas la violence. Donc, il faut s’assurer qu’on garde ça comme c’est là. »

C’est vrai, le Canada accueille toute proportion gardée un des plus grands nombres d’immigrants sur la planète. Le fédéral envisage d’en accueillir 450 000 l’an prochain. Ça se discute.

Vrai aussi que, pour le Québec, seul État francophone en Amérique du Nord, il y a un enjeu particulier. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Québec sélectionne « ses » immigrants pour la plupart, avec toujours le défi de l’intégration en français.

L’Ontario et la Colombie-Britannique en accueillent beaucoup plus que le Québec, en passant.

Mais mercredi, ce n’est plus de capacité physique d’accueil qu’il était question. C’était de menace à la nature même de la société québécoise.

Pressé de questions sur les risques d’une trop grande immigration, ce qui lui est venu à la tête, c’est de la « chicane », des extrémistes, de la violence, bref, une menace non seulement au « mode de vie », mais à la paix sociale.

Une vision sinistre qui n’est pas sans rappeler celle véhiculée par Mathieu Bock-Côté, pour qui les seuils fédéraux sont « démentiels » et serviraient à la « disparition programmée des Québécois ».

Mais même lui, sans doute le commentateur québécois le plus hostile à l’immigration, n’évoque pas la violence.

Entre la discussion honnête et nécessaire sur les seuils d’immigration et le renforcement des préjugés sur « les immigrants » comme menace, il n’y a qu’un pas. Le premier ministre, même si c’était involontairement, l’a tristement franchi. En pleine campagne, comme pour soigner sa droite, comme agacé par les conservateurs, il n’a pu s’empêcher de ressortir les nouveaux clichés de la droite identitaire internationale.

J’entends bien qu’il voulait décrire le genre d’immigration non désirable, et non toute l’immigration. Mais personne ne veut accueillir d’« extrémistes ». Ni cesser de vérifier les antécédents des candidats.

Alors, de qui, de quoi on parle, au juste ?

Quand il ferme les yeux et qu’il pense aux immigrants, c’est ça qu’il voit, ou c’est ça qu’il craint ?

Les gens qui viennent ici, bien souvent, fuient justement les extrémistes religieux et les régimes politiques violents. Les immigrants au Canada s’intègrent plutôt très bien, question boulot et paix sociale. Ceux qui viennent au Québec, même s’ils ne sont pas toujours bien soutenus, sont scolarisés en français et ne demandent pas mieux que d’être des citoyens « ordinaires ». Ils ne sont pas associés à une quelconque augmentation de la criminalité, encore moins de la violence. Des études suggèrent que l’immigration canadienne a un effet neutre, sinon favorable sur la sécurité publique1.

Si François Legault trouve que l’immigration est une richesse pour le Québec, il devrait le montrer autrement que dans un tweet gêné.

1 Lisez la thèse de Seyun Maria Jung, The Relationship between Immigration and Crime in Canada : 1976-2011 (en anglais) 1 Lisez l’étude de Haimin Zang Immigration and Crime : Evidence from Canada (en anglais)