Pour les quatre partis de l’opposition, c’est un lendemain d’élections qui ressemble à un lendemain de brosse. Mal de tête et rien à célébrer.

Comme le chanta jadis un poète gaspésien (« cancellé ») :

Mon t-shirt sent la bière

Mes jeans la sambuca

Pis une sorte de shooter cheap

Que j’m’en rappelle même pas

Ce sont ces vers immortels qui doivent trotter dans la tête de Dominique Anglade, Paul St-Pierre Plamondon, Éric Duhaime et Gabriel Nadeau-Dubois, aujourd’hui.

François Legault ?

Il a enfin le vin heureux, au lendemain du renouvellement de ses vœux avec les Québécois.

Je sais, je sais : notre mode de scrutin est malade. Le scrutin uninominal majoritaire à un tour produit des distorsions démocratiques parfois choquantes. Ce fut le cas lundi. Mais on comprend pourquoi M. Legault (41 % des voix lui ont donné 72 % des sièges) a renié sa promesse de le réformer, ce mode de scrutin… 

Et on comprend mieux, aussi, pourquoi le Quebec Liberal Party n’a jamais trippé sur l’idée non plus : 14,4 % des voix lui donnent 16,8 % des sièges (21)… Un gain de sièges largement supérieur à ceux du PQ (14,6 %, 3 sièges) et de QS (15,4 %, 11 sièges), eux qui ont pourtant récolté des pourcentages des suffrages exprimés semblables à ceux des libéraux.

C’est pire pour les conservateurs : près de 13 % des voix, zéro siège.

Mais tout le monde sait comment fonctionne le système, sur la ligne de départ.

Ai-je dit, au sujet des chefs de l'opposition, qu’ils et elle n’avaient rien à célébrer dans les résultats de lundi ?

Je dois être dans le champ : à les entendre faire leurs discours, c’était une soirée for-me-for-miiii-daaaable, selon les mots d’un autre poète. Oui, elle et ils avaient le sourire des enfants certains de trouver une médaille de participation dans leur boîte de Frosted Flakes, au petit déjeuner : l’important, c’est de participer !

En regardant les Anglade, Nadeau-Dubois, St-Pierre Plamondon et Duhaime, m’est venu en tête le titre du livre d’un autre poète (Leonard Cohen) : Beautiful losers.

Traduction : Les perdants magnifiques...

Pour Québec solidaire, le but à peine voilé était de former l’opposition officielle. Gabriel Nadeau-Dubois l’avait décrété, pompeusement : c’est une lutte à deux, désormais…

Le réveil fait mal : gain d’un seul siège, QS est le deuxième groupe d’opposition… encore. Et lundi, QS a prouvé qu’il est principalement le parti de la ligne orange du métro de Montréal… 

Et de ceux qui voudraient un tramway, à Québec.

Mais dans la plus pure tradition de la gauche, ce qui compte pour QS, ce n'est pas de gagner, c’est d’avoir… raison : je ne doute donc pas de l’ovation que GND va recevoir lors du prochain congrès de QS. En cela, les solidaires sont en train de devenir tranquillement à la politique québécoise ce que le NPD est à la politique fédérale : les plus magnifiques des perdants.

Je souligne aussi la défaite symbolique d’une vedette du parti, la députée Émilise Lessard-Therrien dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue, battue par la CAQ. Dans cette circonscription, l’élection était un référendum sur la Fonderie Horne, brillamment talonnée par la députée solidaire… 

Résultat du référendum : l’arsenic a gagné.

Le PQ, lui, a vécu une expérience de mort imminente au ralenti depuis 2018. Trois sièges, c’est mieux qu’un seul. La vie, c’est mieux que la mort.

Les péquistes ont été portés par un chef inspiré, qui a occupé le créneau de la modestie et de la décence. Tout le monde aime voir le négligé gagner et PSPP fut le Rocky Balboa de cette campagne, qui a gagné sa circonscription grâce à son souffle… 

Et grâce à un dépliant volé par la candidate solidaire !

Le PQ n’est pas mort, mais il est désormais l’affaire de Trois Amigos bien isolés à l’Assemblée nationale.

J’ai parlé du « Quebec Liberal Party », plus haut. Ce n’est pas pour être méchant, c’est juste prendre acte du réel. Les libéraux cartonnent où il y a des masses critiques d’anglophones. Le divorce avec la majorité francophone est consommé depuis lundi, la facture des années Charest et Couillard vient de rentrer. Mme Anglade regarde ladite facture et se demande : ai-je vraiment commandé tous ces shooters de sambuca ?

Puis, il y a la déroute du Parti conservateur. Malgré Radio X qui faisait campagne pour lui à Québec, M. Duhaime a été battu dans une circonscription de Québec par un caquiste non-ministre (Sylvain Lévesque) dans Chauveau (par 6500 voix).

Pour certains fans qui croyaient à un balayage conservateur (pas de farce), c’est une rencontre malaisante avec la réalité : non, les sondages menés par la firme Chambre d’Écho & Associés ne sont pas fiables, pas plus que les analyses politiques de Dominic Maurais, Jeff Fillion, Adrien Pouliot et du compte Twitter de feu André Arthur.

J’ajoute, juste pour le fun : LIBARTÉ.

Oui, M. Duhaime a réussi un exploit, celui de mettre le Parti conservateur sur la mappe. Mais quatre années sans mettre les pieds à l’Assemblée nationale et sans pouvoir surfer sur la colère pandémique, ça risque d’être de longues années pour lui. Ça lui laisse cependant le temps de s’assurer qu’on retrouve moins de coucous au pied carré dans son équipe de candidats en 2026 que dans celle de 2022.

Et puis, il y a François Legault…

Le chef de la CAQ a dit qu’il va gouverner pour tous les Québécois : on le croira quand on le verra, le passé étant souvent garant de l’avenir. Les caquistes étaient insupportables d’arrogance à 76 députés, ça va être spectaculaire à 90 députés.

Devant une opposition divisée, nombreux seront les ministres tentés de se croire lauréats des prix Nobel de chimie, de physique, de médecine, d’économie ET de littérature.

Malgré une campagne négative, bougonne et petite, faite sur le dos des Montréalais, des intellectuels, des immigrants et de l’environnement, François Legault a gagné à la régulière, dans les règles du système.

Pour citer un autre poète, Jacques Mercier, ancien entraîneur-chef du National de Québec :

Gagner, Lambert, gagner !

C’est tout ce qui compte !

La CAQ a beau être morne dans la victoire, elle sait bien que ce sont les gagnants qui façonnent le réel.

Pas les perdants, si magnifiques soient-ils.