La fronde menée par le Canada et ses alliés à la Conférence de Poznan a porté ses fruits: elle a empêché la communauté internationale de fixer une cible contraignante de réduction des émissions pour les pays riches, a appris La Presse.

Dans la nuit de mardi à hier, un peu après minuit, un trio formé du Canada, du Japon et de l'Australie a réussi à affaiblir considérablement un passage des documents de négociation qu'il jugeait trop ambitieux.

 

L'ensemble des pays a accepté de faire allusion à la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40% d'ici 2020, sous leur niveau de 1990. Mais il a refusé, à la demande expresse du trio, que cet objectif devienne obligatoire.

Ayant eu accès aux différentes versions du texte, La Presse a pu constater que le document stipulait, le week-end dernier, que cette cible devait «encadrer» les travaux menant à l'élaboration d'un nouveau traité international. Dans la version adoptée hier, on notait seulement «l'utilité» d'une telle cible.

«On piétine, s'est désolée une source proche des négociations. On revient, mot pour mot, à la déclaration adoptée à Bali l'an dernier (par le groupe de négociations sur l'avenir de Kyoto). Cela signifie qu'on n'a pas avancé d'un pas en 12 mois!»

Reste à voir maintenant si le document élaboré par des négociateurs sera approuvé en plénière par l'ensemble des délégations.

Date butoir

Par ailleurs, un autre passage controversé du document de négociation a été reformulé à la demande du Canada et de ses alliés, celui demandant aux signataires de Kyoto de présenter leur future cible internationale de réduction des émissions d'ici la mi-février.

Les trois pays ont en effet réussi à faire biffer le passage qui stipulait que ce dévoilement devait se faire «le plus rapidement possible, au plus tard le 15 février 2009». On lui a préféré une phrase beaucoup plus timide: les pays sont maintenant invités à présenter leur cible avant le mois de mars, mais seulement «ceux qui sont en position de le faire».

Preuve de l'importance de ce détail pour le trio, les négociateurs ont travaillé plus de trois heures pour préciser ce court passage et en arriver à une décision unanime.

Le retrait de cette date butoir est vu, par certains négociateurs, comme une preuve de plus du ralentissement des pourparlers qui doivent officiellement se conclure en décembre prochain, à Copenhague.

Autre rencontre?

Pour éviter que ce piétinement ne reporte à plus tard la conclusion d'une entente internationale, comme certains l'évoquent de plus en plus ouvertement, les Nations unies songeraient à ajouter une séance de négociation de haut niveau en 2009.

Le calendrier officiel prévoit déjà que les négociateurs se rencontreront trois fois d'ici la conférence de Copenhague. Selon nos informations, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, envisagerait d'ajouter une quatrième réunion, cette fois entre ministres ou chefs d'État, sur le modèle de la rencontre «informelle» de New York qui a eu lieu en septembre 2007 au quartier général de l'organisation.

Enfin, notons que le Canada a reçu une autre douche froide, hier, alors que l'organisme GermanWatch dévoilait une étude le plaçant au 56e rang, sur 57, pour sa piètre performance environnementale.

Intitulé Climate Change Performance Index, le rapport publié annuellement s'attarde aux tendances des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu'aux politiques climatiques mises de l'avant par les plus importants pays au monde.

Parallèlement, de nombreux organismes non gouvernementaux ont dénoncé l'attitude du Canada à la Conférence de Poznan, notamment l'antenne chinoise du Fonds mondial pour la nature, ENDA Tiers-Monde du Sénégal et l'Église unie du Canada.