Le Canada a soulevé l'ire des Premières Nations et d'une bonne partie de la communauté internationale, hier lors de la conférence de Poznan, en refusant catégoriquement que les droits des peuples autochtones soient reconnus dans un futur traité sur le climat.

Dans le cadre des négociations menées sur la déforestation, responsable à elle seule de 18% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le Canada a utilisé son droit de veto pour retirer de la déclaration finale les mots «droits» et «populations autochtones».

 

Outrés, les groupes concernés estiment qu'il s'agit là d'un «viol de leurs droits fondamentaux».

Avec l'appui de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et des États-Unis, le Canada a fait dérailler une proposition qui avait pourtant reçu l'appui d'une écrasante majorité de pays, dont ceux de l'Union européenne et de l'Amérique latine, a appris La Presse.

L'objectif de la proposition était de garantir deux choses: que les autochtones ne soient pas expropriés par les futures mesures de protection de la forêt, comme cela s'est vu au Congo, et que les autochtones profitent financièrement des fonds alloués pour éviter le déboisement.

Selon les différentes versions de la déclaration, que nous avons vues, le Canada a exigé que soient biffés plusieurs passages, dont celui qui «reconnaissait les droits et intérêts des autochtones» et celui qui soulignait «l'importance de les impliquer» dans les négociations.

En lieu et place, on reconnaît maintenant «le besoin de promouvoir la participation pleine et entière des autochtones, en tenant compte des circonstances nationales».

Présente dans la salle lors du blocus, une négociatrice ayant requis l'anonymat a précisé que le Canada a refusé d'expliquer son geste, malgré plusieurs demandes faites en ce sens par les autres pays. «C'était la consternation dans la salle», a-t-elle raconté.

Lors d'un point de presse hier, le ministre Jim Prentice n'a pas nié ces informations. Il a simplement réitéré «l'importance de consulter les autochtones» lorsqu'il est question d'environnement.

Pour les principaux concernés, il s'agit de «la toute dernière d'une série de décisions hostiles aux droits des autochtones» faites par le gouvernement Harper.

«Le refus de nos droits dans cet important accord sur les changements climatiques constitue un viol de nos droits fondamentaux», a indiqué le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine.

Pour Paula Moreira, de l'Amazon Institute for Environmental Research, cette décision «fragilisera» et «marginalisera» encore un peu plus les peuples autochtones du Sud. «Nous avons été choqués par la version finale de la déclaration», a-t-elle lancé, furieuse.

Peuples?

Tout autant que le retrait du mot «droits», l'absence de l'expression «populations autochtones» a aussi fait bondir les autochtones, qui estiment que cela porte carrément atteinte à la réputation du pays comme défenseur des droits de la personne.

«Dans le langage diplomatique, la différence entre autochtones et peuples autochtones est majeure, selon Tove Ryder, de Care international. En reconnaissant les peuples autochtones, on reconnaît leurs droits collectifs. Alors qu'en faisant référence aux seuls autochtones, on accorde à ces derniers les mêmes droits individuels que tout autre citoyen.»

Les négociations en question concernaient un mécanisme (appelé REDD dans le jargon), dont l'élaboration permettra aux pays riches de financer les pays du Sud qui cessent de couper leurs forêts.