La vague de froid qui s'est abattue sur l'Europe occidentale surprend mais ne doit pas, mettent en garde les scientifiques, aboutir à une redoutable confusion entre «le temps qu'il fait» et le réchauffement climatique en cours.

L'hiver rigoureux dans cette partie du monde ne doit pas faire oublier que l'étude des températures globales de la planète depuis 1850 - date à partir de laquelle on dispose de données fiables - montre un réchauffement sans équivoque.«La tendance lourde, cela ne fait aucun doute, est toujours au réchauffement», explique à l'AFP Michel Jarraud, secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui rappelle que, depuis le milieu du XIXe siècle, la température à la surface du globe a augmenté de près de un degré.

«Si on regarde cette tendance sur 160 ans, elle se superpose à une variabilité naturelle importante et c'est cela qui introduit la confusion», ajoute-t-il.

Ainsi, l'année 2008 a été plus fraîche que 2007, mais se classe cependant au dixième rang des années les plus chaudes depuis le début des statistiques. Ce léger refroidissement s'explique en particulier par le phénomène connu sous le nom de La Nina, refroidissement des eaux de surface du Pacifique.

«Le problème est que les gens confondent le temps et le climat», explique la climatologue américaine Susan Solomon, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) selon lequel la température moyenne de la planète pourrait augmenter de 1,1°C à 6,4° d'ici 2100.

«Le temps est très important localement, et d'une année sur l'autre. Mais si vous cherchez à comprendre l'évolution du climat, vous devez retenir une plus grande échelle dans l'espace (le monde entier) et dans le temps (de nombreuses années)», explique-t-elle.

Le «réchauffement climatique moyen» de la planète attendu d'une année sur l'autre est d'environ deux centièmes de degrés par an donc très difficilement perceptible, rappelle en écho le climatologue français Jean Jouzel, médaille d'or du CNRS, alors que «si vous vous placez d'une année sur l'autre à un endroit donné, la variabilité peut être de quelques degrés».

Pour une meilleure perception, le vice-président du Giec invite à regarder des tendances de fond sur la végétation, indicateur précieux: «On voit bien par exemple que les vendanges ont irrésistiblement avancé de plusieurs semaines en 50 ans. Après, d'une année sur l'autre, elles peuvent commencer plus tôt ou plus tard».

S'ajoute à cette double grille de lecture l'extrême complexité de la science du climat: si la majorité des scientifiques s'accordent sur le réchauffement en cours et la responsabilité humaine dans le processus via les émissions de gaz à effet de serre, ils soulignent aussi qu'il ne s'agira en aucun cas d'un phénomène linéaire.

Selon une étude publiée en avril dans la revue Nature, le réchauffement pourrait ainsi marquer une pause dans la décennie à venir en raison de l'évolution naturelle de la circulation des courants océaniques, avec en particulier un affaiblissement temporaire du Gulf Stream, qui fait remonter dans l'Atlantique nord les eaux chaudes du sud.

Les «sceptiques» du réchauffement climatique sont immanquablement plus véhéments lorsque le froid pique, reconnaît Jean Jouzel, mais il appartient aussi aux climatologues de faire preuve de pédagogie... et de mesure.

«C'est aussi à nous de faire attention quand l'été sera chaud de ne pas dire: "c'est le réchauffement climatique"!»