L'humanité est dépendante de l'eau et pourtant, elle représente une menace croissante pour cette fragile ressource. Dans le plus important rapport jamais réalisé sur l'eau, qui dévoilé aujourd'hui, l'ONU tire la sonnette d'alarme et en profite pour montrer le Canada du doigt.

Sous l'effet de la surpopulation, de l'augmentation du niveau de vie et des changements climatiques, les réserves d'eau subissent des pressions sans précédent partout sur la planète, ce qui met en péril la paix et la croissance à long terme.

 

Voilà le cri d'alarme que lancera l'ONU ce matin, à son quartier général de New York, en dévoilant le plus important rapport jamais réalisé sur la situation de l'eau dans le monde.

Obtenu par La Presse, le troisième rapport triennal des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau se distingue des précédents par son envergure, son caractère militant, mais surtout son ton alarmant. Notons que la coordination du projet a été menée par l'ancien président du BAPE, William J. Cosgrove.

«Il est clair que l'on doit agir de toute urgence pour éviter une crise mondiale de l'eau, écrit d'entrée de jeu le grand patron de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura. Malgré le caractère vital de l'eau pour la vie humaine, le secteur est victime d'un manque chronique de soutien politique, d'une mauvaise gouvernance, et de sous-investissement.»

Forum mondial de l'eau

Élaboré par plusieurs groupes d'experts rattachés aux 24 agences des Nations unies, le document de près de 350 pages s'intitule L'eau dans un monde qui change. Il servira de base au 5e Forum mondial de l'eau, qui s'ouvre à Istanbul lundi prochain.

«Le message principal du rapport n'est pas tant que l'eau existe en quantité limitée, mais plutôt que les fonds consacrés à cette ressource, tant publics que privés, sont nettement insuffisants», explique en entrevue l'un des principaux auteurs du rapport, le chef scientifique du groupe québécois Unisféra, Richard Connor.

On note ainsi que l'argent investi dans la lutte contre les changements climatiques ne sert qu'à réduire les gaz à effet de serre, non pas à s'adapter à un climat en bouleversement qui menace, justement, les ressources en eau. «Les fonds consacrés aux problèmes liés à l'eau sont minuscules en comparaison des sommes investies pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ou contre la crise économique actuelle», se désole-t-on.

On déplore ainsi qu'à peine 6% de l'aide internationale soit consacrée à l'eau, alors que cette ressource est au coeur de la plupart des problèmes vécus dans les pays les plus pauvres du globe.

«Le rapport montre que certains pays ont réagi. On constate certains progrès dans la distribution d'eau potable, par exemple. Mais bien d'autres secteurs ont été négligés, et après des décennies d'inaction, les problèmes reliés à l'eau sont énormes et s'aggraveront si rien n'est fait», prévient-on.

Surpopulation

On précise que toutes les crises vécues ces dernières années, alimentaire, énergétique, environnementale ou économique, ne pourront être réglées qu'à condition d'efforts supplémentaires de la communauté internationale dans le dossier de l'eau. Cela est d'autant plus vrai, note-t-on, que de nombreux problèmes pourraient bien provoquer une crise mondiale de l'eau, à commencer par la surpopulation. Plus de 80 millions d'habitants s'ajoutent chaque année sur la planète, un problème accentué par l'augmentation de la qualité de vie dans plusieurs pays émergents.

Selon des données publiées hier par l'ONU, la population mondiale devrait atteindre les 7 milliards d'individus en 2012, puis dépasser les 9 milliards en 2050. Il y a actuellement 6,8 milliards d'humains sur terre.

Cela ajoute nécessairement de la pression sur l'eau et ce, de différentes façons. La nourriture consommée par les populations plus aisées, par exemple, exige de plus grandes quantités d'eau. La production d'un kilo de blé peut nécessiter jusqu'à 2000 litres d'eau, alors que celle d'un kilo de viande, 20 000 litres d'eau.

La demande en énergie augmente aussi au rythme de la démographie, et avec elle les prélèvements d'eau nécessaire à la production énergétique. Pour générer 1 MWh d'électricité à partir du charbon, il faut 2 m3 d'eau, à partir du nucléaire 2,5 m3 et du pétrole, 4 m3. Le pétrole bitumineux? De 20 à 45 m3 d'eau (voir autre texte).