«Le Québec se construira sur son or bleu», a lancé M. Charest dans un discours passionné, à la clôture du premier conseil général du PLQ depuis les élections de décembre dernier. Les militants de son parti venaient de le couronner «Grand Bâtisseur du Québec», un enthousiasme qui l'a un peu plongé dans l'embarras -c'est le genre d'hommage réservé aux politiciens qui tirent leur révérence. Or, fraîchement réélu, Jean Charest a martelé qu'il était déterminé à rester en selle pendant plusieurs années.

Devant 700 délégués, il a promis que son gouvernement maintiendrait le pied sur l'accélérateur pour l'exploitation de l'énergie renouvelable, de l'hydro-électricité et de l'énergie éolienne.Ainsi, bien que Québec vienne tout juste de mettre en chantier le barrage de La Romaine, sur la Côte-Nord, on donne immédiatement le feu vert aux études nécessaires au défi suivant, un autre barrage sur la rivière Petit-Mécatina, dans la même région.

En point de presse M. Charest est toutefois resté vague sur l'impact de son annonce. Elle devance «d'un an ou deux» le début de ce nouveau chantier, attendu pour 2017. Ce devancement permettra d'éviter les «creux et les pointes» dans le nombre d'emplois en relançant les activités au moment où les travaux de La Romaine seront en phase finale. Avec ces projets «synchronisés», le secteur énergétique québécois «connaîtra le plein emploi pour une génération». Déjà 2000 travailleurs sont à pied d'oeuvre à La Romaine; il seront 3000 cet été.

Petit-Mécatina devrait fournir 1200 mégawatts d'énergie. C'est un peu moins que les 1550 mégawatts de La Romaine, un projet de 5 milliards de dollars qui donnera assez d'électricité pour alimenter les 450 000 foyers de Longueuil, Gatineau et Québec.

Le «Grand Bâtisseur» embêté

À l'issue de la rencontre, M. Charest a senti le besoin de mettre un bémol à l'enthousiasme de ses troupes. Tout le rassemblement portait sur le thème des «Grands Bâtisseurs du Québec», et Jean Charest était présenté comme l'un d'eux, au même titre que les Godbout, Lesage et Bourassa.

En fin de congrès, une présentation vidéo a fait tambour battant l'éloge de M. Charest et de son Plan Nord à venir.

«Je n'oserais jamais me comparer à Robert Bourassa. Il a légué au Québec un héritage très important. Son retour en politique est phénoménal. Dans mon cas, je suis bien loin du jour où on fera le bilan. Qu'on puisse parler de l'héritage que je reçois, c'est dans cet esprit que je m'inscris dans la suite logique de mes prédécesseurs», a nuancé Jean Charest en conférence de presse.

«Je vais rester. Je suis très heureux, j'ai le meilleur emploi au monde et j'ai le goût de continuer encore très longtemps», a-t-il répliqué aux reporters qui lui ont rappelé que ce genre d'hommage était réservé aux politiciens qui quittent la vie publique.

La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, a soutenu que, comme pour Robert Bourassa, la contribution de Jean Charest ne serait appréciée qu'après son départ. Le chef libéral semblait déjà mal à l'aise devant ces supputations quand un reporter lui a demandé quel barrage il souhaitait voir nommer en sa mémoire. «Merci d'y avoir pensé», a-t-il répondu du tac au tac tandis que, prestement, son attaché de presse appelait la question suivante. Plus tard, son porte parole a eu un silence évocateur quand on lui a demandé si ce thème du «bâtisseur» serait le leitmotiv du gouvernement dans les mois à venir.

Exporter

Devant les militants, M. Charest a dressé une liste exhaustive des décisions prises par son gouvernement depuis 2003 pour favoriser l'exploitation des énergies propres. Avec le Plan Nord, le gouvernement compte faire des régions nordiques «un laboratoire des énergies renouvelables». Les délégués ont adopté une résolution exhortant le gouvernement à «faire du Québec la première puissance mondiale des énergies propres et renouvelables».

«Nous mettons le cap vers l'exportation d'énergie propre», a soutenu M. Charest. Les exportations d'Hydro en 2008 ont fait entrer 1,9 milliard de dollars dans les coffres du gouvernement. Avec 8% de sa production vendue à l'extérieur, Hydro a réalisé 32% de ses profits.

Dans les prochaines semaines, a ajouté M. Charest, on mettra en service une nouvelle interconnexion, la première en 20 ans, vers l'Ontario. On vise ce marché, mais aussi celui du Mid-West américain. La semaine dernière, a rappelé M. Charest, la Federal Energy Regulatory Commission a autorisé le financement d'une ligne d'interconnexion entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre pour remplacer les centrales au gaz par «de l'énergie propre à bas prix», a soutenu le président de l'organisme. On construit sans avoir l'assurance que les ventes vont suivre, mais il faut être optimiste: «On voit les besoins du côté américain et la vision du gouvernement Obama. Aux États-Unis, on ne parle pas seulement d'énergie propre, mais d'économie verte», relève-t-il.

En plus de l'hydro-électricité, Québec compte implanter les premières éoliennes en milieu nordique et expérimenter les «hydroliennes», qui permettront de returbiner l'eau au pied des barrages -une technologie à peaufiner, en test l'an prochain. L'économie d'énergie ne sera pas oubliée: on compte réduire la consommation de 11 térawattheures entre 2007 et 2015, l'équivalent de la production de Manic 5. En 2012, le Québec sera l'un des seuls États en Amérique du Nord à atteindre la cible du protocole de Kyoto. On aura alors réduit de 6% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, a soutenu M. Charest.