Hydro-Québec fustige l'étude d'impact environnemental produite par Terre-Neuve-et-Labrador pour le projet de centrale hydroélectrique dans la partie inférieure du fleuve Churchill.

Dans une lettre envoyée en mai à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, Hydro affirme que l'étude commandée par Nalcor Energy, la société d'État terre-neuvienne qui pilote le projet, ne contient pas «le niveau et la qualité d'information normalement exigés dans le cadre de l'évaluation environnementale de projets hydroélectriques majeurs».

Le projet prévoit la construction de deux centrales dans la partie inférieure du fleuve Churchill, au Labrador, qui doivent produire quelque 2800 mégawatts d'électricité à partir de 2015. Le complexe s'ajouterait à celui du Haut-Churchill, en exploitation depuis 1971, dont la capacité de 5429 MW est en quasi-totalité destinée au Québec.

Hydro-Québec soutient que les données présentées dans l'étude d'impact «sont nettement insuffisantes, en particulier dans les domaines de l'utilisation du territoire par les autochtones et les non-autochtones, de la gestion des aménagements hydroélectriques de la rivière Churchill, des aspects liés aux populations et aux habitats de poissons, ainsi que des programmes de suivi et des mesures de compensation prévus».

Rappelant avoir mené de nombreuses études d'impact au fil des ans, la société d'État québécoise dit «porter un intérêt particulier à la crédibilité des processus d'évaluation environnementale des projets énergétiques».

«Il nous apparaît donc fondamental, dans l'actuel contexte commercial et concurrentiel nord-américain, que les différents projets énergétiques au Canada fassent l'objet d'un traitement équitable et d'une analyse comparable au moment de l'évaluation environnementale», écrit Robert Landry, directeur principal des projets de développement chez Hydro-Québec, dans la missive.

Si l'étude d'impact de Nalcor n'est pas bonifiée, Hydro estime que les autorités ne devraient pas la déclarer «recevable».

«À plus forte raison, nous pourrions difficilement comprendre comment les autorités canadiennes pourraient délivrer des autorisations pour la réalisation de ce projet tant et aussi longtemps que les questions que nous vous soumettons, et qui sont normalement requises pour l'analyse environnementale d'autres projets, demeurent sans réponse», martèle M. Landry.

En réponse aux critiques d'Hydro et de nombreux autres intervenants à propos de l'étude d'impact, la commission d'examen conjoint a envoyé à Nalcor trois demandes d'informations afin d'obtenir plus de détails sur les répercussions du projet du Bas-Churchill. Le promoteur a déjà répondu à la première demande et a jusqu'au 11 septembre pour les deux autres.

De nombreux autochtones, notamment des Innus de la Côte-Nord, de même que des groupes environnementalistes comme le Sierra Club, ont exprimé de sérieuses réserves à l'égard de l'étude d'impact de Nalcor, voire du projet en soi.

Vieille controverse

Si le projet est approuvé par les autorités, Nalcor devra ensuite conclure une entente à long terme avec Hydro pour le transport de l'électricité sur le territoire québécois. Si les parties n'arrivaient pas à s'entendre, Nalcor dispose d'un plan B: l'installation, au coût de plusieurs milliards de dollars, d'un câble sous-marin jusqu'en Nouvelle-Ecosse, d'où l'entreprise pourrait exporter l'électricité du Bas-Churchill vers les Maritimes et les États-Unis.

Le développement hydroélectrique du fleuve Churchill déchire Terre-Neuve et le Québec depuis des décennies. Plusieurs Terre-Neuviens n'ont toujours pas digéré le contrat d'approvisionnement en vertu duquel Hydro-Québec achète la majeure partie de la production du complexe du Haut-Churchill à des tarifs très avantageux.

En mars, Hydro et Nalcor ont conclu, sur les marchés ouverts, un accord de cinq ans qui permet à la société terre-neuvienne d'utiliser le réseau de transport québécois pour exporter vers l'Ontario et les États-Unis une petite partie de l'électricité produite dans le Haut-Churchill.

La Newfoundland and Labrador Hydro, filiale de Nalcor, conteste toutefois le projet de construction d'une nouvelle ligne de transport de 1200 MW entre le Québec et les États-Unis, disant craindre que le futur lien ne nuise à la concurrence sur les marchés énergétiques du Nord-Est américain.