Rien ne va plus pour l'industrie de l'amiante. Scientifiques, militants, médecins et même des banquiers, la liste des opposants à l'exportation de cette substance cancérigène semble s'allonger de mois en mois, y compris à la Chambre des communes.

À l'instar de la Société canadienne du cancer, de la Banque mondiale et de l'Association médicale canadienne, le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a en effet retiré l'appui que son organisation accordait à l'industrie québécoise de l'amiante, le 21 août dernier.

«C'est la science qui doit guider nos choix», a lancé M. Ignatieff en marge d'un discours prononcé à l'Université Bishop. Cette volte-face a fait voler en éclats le front commun des deux grands partis fédéraux sur ce sujet. Seul le Bloc appuie désormais les conservateurs.

La réponse de l'industrie et des partisans du chrysotile a été virulente. Le candidat libéral dans Mégantic-L'Érable, Marc Giroux, a même décidé de claquer la porte de son parti.

Deux jours plus tôt, la députée conservatrice Pat Davidson s'était jointe à sa collègue Dona Cadman en prenant position contre son propre gouvernement, fait rarissime dans le Parti conservateur. Les deux femmes ont soutenu qu'il est temps de mettre fin à l'exportation de cette substance cancérigène.

Parallèlement, le député Nathan Cullen, du NPD, a déposé un projet de loi (C-399) contre l'extraction et l'exportation de l'amiante.

«C'est clairement un moment charnière pour l'industrie de l'amiante, estime Kapil Khatter, président de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. Je crois que la fin de l'exportation est désormais inévitable.»

Le Dr Khatter était d'ailleurs au dernier conseil général de l'Association canadienne médicale, le 19 août, où une résolution a été adoptée à 95 % contre l'exportation de l'amiante. Une première, selon lui.

«Le consensus politique est en train d'éclater, renchérit Pierre Gosselin, un médecin affilié à l'INSPQ, qui parle en son nom propre. Cela ne peut mener qu'à l'ajout du chrysotile à la convention de Rotterdam et donc à l'arrêt pur et simple de l'exportation d'amiante.»

Position «méprisante»

Les gouvernements du Québec et du Canada appuient l'industrie de l'amiante chrysotile, qui emploie aujourd'hui un peu plus de 800 personnes. Forte de la Politique québécoise d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile, l'Assemblée nationale a même adopté en 2004 une résolution unanime contre l'inclusion du chrysotile dans la liste des produits proscrits par la convention de Rotterdam.

Le ministre québécois des Mines, Serge Simard, a d'ailleurs fait connaître son mécontentement à M. Ignatieff. Une lettre transmise le 26 août dernier précise que «l'utilisation de produits de chrysotile, dans le respect des réglementations et des techniques d'utilisation sécuritaire et en l'absence d'amphiboles, n'entraîne pas de risques significatifs pour les travailleurs».

«Il n'existe tout simplement pas de degré d'exposition sécuritaire», rétorque Barry Castleman, expert international de l'amiante, que La Presse a joint au Maryland.

Dans son livre Asbestos, Medical and Legal Aspects, celui qui a témoigné dans le procès de l'OMC contre le Canada à titre de consultant indépendant ajoute : «Quiconque soutient que l'amiante est utilisé de façon sécuritaire dans le tiers-monde est soit un menteur, soit un imbécile.» Il travaille actuellement avec l'OMS à un guide sur les substituts au chrysotile.

Interdit dans une cinquantaine de pays, l'amiante chrysotile est jugé» notoirement cancérigène pour l'homme» par de nombreux organismes internationaux comme l'OMS.

Dernière en date, la Banque mondiale, dans un document de mai 2009, précise que l'amiante ne devrait pas être utilisé dans les nouvelles constructions. «Cela signifie que les pays qui souhaitent recevoir du financement de la Banque mondiale ne doivent pas utiliser d'amiante», souligne Kathleen Ruff, coordonnatrice de l'Alliance pour la convention de Rotterdam.