Les autorités de la santé publique ont un nouvel allié dans leur bras de fer contre le gouvernement Charest dans le dossier de l'amiante. La France envisage de resserrer la norme d'exposition à cette substance cancérogène, même si elle est déjà 10 fois plus sévère que celle en vigueur au Québec.

Cela accroît encore la pression sur le gouvernement québécois, qui refuse depuis des années de réviser sa propre norme malgré les appels répétés de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui la juge trop permissive.

À l'heure actuelle, pendant une journée de huit heures, les travailleurs peuvent être exposés à une concentration maximale d'amiante chrysotile d'une fibre par millilitre d'air (1 f/ml), selon la norme de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

À titre comparatif, la norme est 10 fois plus sévère en France, en Angleterre et aux États-Unis (0,1 f/ml). Elle est même 100 fois plus stricte aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse (0,01 f/ml).

En fait, aucun pays occidental n'a une norme aussi peu exigeante que celle du Québec, selon Louise De Guire, médecin-conseil de l'INSPQ. C'est d'ailleurs pourquoi l'Institut recommande au ministère de la Santé, depuis 2003, d'exalisr «la pertinence de réviser la norme actuelle d'exposition à l'amiante en milieu de travail, compte tenu du niveau de risque élevé auquel les travailleurs sont exposés».

La France invitée à plus de sévérité

C'est dans ce contexte que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) recommande au gouvernement Sarkozy de réduire de façon importante sa norme actuelle, dans un rapport publié le 15 septembre dernier.

Bien qu'elle soit plus sévère qu'au Québec, la norme française «fait courir un excès de risque (...) qui ne peut être acceptable» pour les travailleurs, estime l'Afsset.

«Dans un premier temps et sans plus attendre», précise l'Agence, la France devrait baisser sa norme à 0,01 f/ml pour toutes les sortes d'amiante, afin de rejoindre le groupe des pays les plus avancés en matière de protection des travailleurs, soit l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse.

«Cela représente une diminution du risque d'un facteur 10, ajoute l'Afsset. Cette valeur peut constituer pour la France une étape pertinente dans le progrès vers la réduction du risque d'exposition à l'amiante».

Pour la Dre De Guire, responsable de l'unité des maladies respiratoires liées au travail à l'INSPQ, les conclusions de l'Afsset confirment la justesse des recommandations de son organisme. «Cela va dans le sens de ce que recommande l'INSPQ, soit d'abaisser la norme en vigueur au Québec», précise-t-elle.

«Les recommandations de l'Afsset nous montrent que cette substance est résolument dangereuse et considérée comme telle», renchérit Pierre Auger, spécialiste de médecine du travail à l'Université Laval. Cela milite certainement pour une révision de la norme québécoise, comme le recommande l'INSPQ.»

À la CSST, on reconnaît que la norme québécoise est plus permissive, mais on soutient être «beaucoup plus proactif» du côté de la prévention. «Nous sommes beaucoup plus sévères quant à la présence d'amiante dans les matériaux», indique Alexandra Reny, porte-parole.

Une révision de la norme est-elle néanmoins possible ? «Le comité technique paritaire, où siègent les parties syndicale et patronale, a le mandat de fixer les priorités quant aux éventuelles révisions. Or, la norme liée à l'amiante n'est pas une priorité à court terme», ajoute-t-elle.

L'Afsset va plus loin encore et précise : «Toutes les variétés minéralogiques de fibres d'amiante connues et commercialisées sont susceptibles d'induire un cancer chez l'homme par inhalation.»

Le cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, n'a pas rappelé La Presse.