Devant la pression croissante des scientifiques, le gouvernement du Québec examinerait la possibilité de revoir sa position dans le dossier de l'amiante, d'ici la fin de l'année.

Les nombreux rapports négatifs de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la lettre ouverte signée par une douzaine d'experts ainsi que la volte-face récente du Parti libéral du Canada inciteraient en effet le gouvernement Charest à réexaminer sa politique d'utilisation accrue de l'amiante chrysotile.

 

Selon les informations obtenues par La Presse, une rencontre au sommet a eu lieu la semaine dernière entre les trois intervenants gouvernementaux les plus touchés par la question: le ministre de la Santé, Yves Bolduc, le ministre délégué aux Ressources naturelles, Serge Simard, ainsi que le président de l'Institut national de santé publique du Québec, Luc Boileau.

L'INSPQ, qui recommande au gouvernement depuis des années de revoir sa position dans ce dossier, a ainsi pu partager les conclusions des 13 rapports publiés jusqu'ici sur les impacts de cette substance cancérogène sur la santé publique.

Plus encore, l'équipe de l'Institut a révélé aux ministres les conclusions d'une toute nouvelle étude intitulée Rapport sur la présence de fibre d'amiante dans l'air intérieur et extérieur de la ville de Thetford Mines.

Il a été impossible de connaître les détails de cette publication commandée en novembre 2007 par le directeur de la santé publique de Chaudière-Appalache. L'Agence de la santé et des services sociaux de la région nous a invité à demander le document à l'INSPQ... qui nous a à son tour renvoyé à l'Agence de la santé.

Selon des sources habituellement bien informées, cette rencontre ferait partie d'une réflexion en cours dans les officines gouvernementales au sujet de la position québécoise sur l'amiante. Il a toutefois été impossible d'avoir une confirmation officielle à ce propos.

Au cabinet du ministre Bolduc, on a reconnu qu'une rencontre sur l'amiante a eu lieu le mardi 21 septembre dernier, mais on a préféré «s'abstenir de tout commentaire», selon les mots de l'attachée de presse, Marie-Ève Bédard.

Au cabinet du ministre Simard, on a précisé que la réunion avait été organisée à la demande du ministre Bolduc et que la santé était au coeur des discussions. Et à l'INSPQ, on a ajouté que les représentants de l'Institut avaient été convoqués «en tant qu'experts», selon Nathalie Hudon, porte-parole.

Pression accrue

Cela survient alors que la pression s'accroît sur le gouvernement du Québec. Au cours du dernier mois, l'Association canadienne médicale s'est prononcée à 95% contre l'exportation et la production d'amiante, le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a retiré l'appui que son organisation accordait à l'industrie québécoise de l'amiante, et une brochette d'experts québécois ont publié une lettre dans La Presse intitulée «Cessons le mensonge».

«La preuve scientifique établissant que l'amiante chrysotile cause l'amiantose et des cancers mortels comme le mésothéliome et le cancer du poumon est maintenant irréfutable», ont-ils écrit.

«Dans 11 rapports de recherche réalisés au Québec depuis 2003, ont-ils ajouté, l'INSPQ a aussi fait la preuve que son utilisation sécuritaire, telle que prônée depuis 2002 par une politique du gouvernement du Québec, était une vue de l'esprit. Pendant ce temps, les cancers mortels liés à l'amiante augmentent ici même au rythme de 4% par année. Et nous payons des millions de dollars chaque année pour éliminer l'amiante chrysotile des écoles et des hôpitaux du Québec.»

Rappelons qu'Ottawa et Québec appuient depuis toujours l'industrie de l'amiante, qui emploie aujourd'hui un peu plus de 800 personnes. Le 22 septembre dernier, le premier ministre Charest a d'ailleurs soutenu que le Québec allait continuer à faire la promotion de l'amiante chrysotile.