L'an dernier, le Conseil régional de l'environnement réclamait des mesures pour empêcher les voitures d'utiliser le chemin Camilien-Houde, sur le Mont-Royal. Cet automne, la Ville de Montréal prévoit consacrer deux millions de dollars à la fermeture de deux des quatre voies de Camilien-Houde dans sa portion ouest et au réaménagement de l'échangeur Côte-des-Neiges.

La question se pose maintenant : doit-on ériger une barrière physique qui empêchera de se rendre d'un côté à l'autre de la montagne par Camilien-Houde, limitant les automobilistes à un accès aux stationnements du parc? Après tout, la plupart de la centaine de parcs conçus par Frederick Law Olmsted en Amérique du Nord ont fortement limité la présence de l'automobile. Une exception notable est Central Park, à New York. Deux voies pour automobiles, sinueuses et en tranchées, le traversent à la hauteur du Metropolitan Museum. Justement, un conservateur du célèbre musée a publié l'an dernier un livre entier sur Central Park. Et pour Morrison Heckscher, Olmsted n'était pas nécessairement opposé aux voitures.

«Il était très pragmatique, explique M. Heckscher. Il voulait que chaque groupe d'utilisateur y trouve son profit. En plus des deux voies de transit, il a prévu des routes pour les carrosses, qui ont par la suite été utilisées par les automobiles. D'ailleurs, à l'inauguration du parc, il y a eu une course de carrosses par des propriétaires désireux de montrer leur richesse.»

La voie Camilien-Houde est peut-être le seul exemple québécois du concept de parkway, ces autoroutes américaines dont chaque direction est bordée d'arbres, qui ont été popularisées par Roosevelt et sont tombées en désuétude avec les grands projets autoroutiers d'Eisenhower. Justement, la pensée d'Olmsted est à la base des parkways.

Ceci dit, Olmsted avait des projets radicalement différents pour le mont Royal: il voulait qu'une promenade dans le parc soit une lente ascension. «Il était notamment contre le funiculaire» qui a fonctionné entre 1885 et 1918, rappelle Sylvie Guilbeault, la présidente des Amis de la montagne. Dès 1926, la circulation de transit avait ses opposants : le «tramway va enlaidir le parc Mont-Royal», dénonçait un député de Montréal à l'Assemblée nationale. L'association des cochers s'était aussi opposée en 1903 au tramway, mais évidemment pas pour des raisons esthétiques.

Peut-on concilier les intérêts des automobilistes avec ceux des autres usagers du parc? Dans une ville comme Montréal, où «piétoniser» signifie exclure toute automobile, on peut en douter. Mais on peut tout de même rêver d'un compromis.

Outre la fermeture de deux des quatre voies de Camilien-Houde, la priorité, selon Mme Guilbeault, est la disparition de la «mer d'asphalte» des stationnements situés de part et d'autre du rond-point central. Ensuite, viennent la disparition -projetée- de l'échangeur Côte-des-Neiges (une aberration semblable à celle de l'échangeur des Pins, qui n'a qu'une utilité marginale pour les automobilistes) et l'aménagement de l'entrée est de Camilien-Houde, afin de désenclaver le secteur Outremont du parc. Enfin, elle cite la section supérieure de la montée est de Camilien-Houde, quand l'accotement se réduit comme peau de chagrin à cause des deux falaises, ce qui rend le passage très inconfortable, voire dangereux, pour les cyclistes.

Pourquoi ne pas réduire ce goulot à une seule voie, qu'emprunteraient à tour de rôle les automobilistes qui circulent dans une direction ou dans l'autre, avec un feu de circulation? Le système fonctionne très bien quand il y a des travaux sur une route à deux voies. Cela aurait le mérite d'éliminer tout avantage de Camilien-Houde pour ceux qui veulent éviter le trafic de l'avenue des Pins ou de Côte-Sainte-Catherine. Et les automobilistes qui ne rechignent pas devant un itinéraire plus long parce qu'ils veulent eux aussi profiter de la montagne auraient encore droit de cité.

Polluer l'eau plutôt que l'air

«Ils ont décidé de nous n'aurions plus à respirer ces poisons, mais que nous les boirions à la place.» Ce commentaire d'un voisin la centrale thermique au charbon de Masontown, en Pennsylvanie, illustre bien les écueils qui guettent les règlements environnementaux, selon un récent dossier du New York Times. Les centrales thermiques doivent maintenant nettoyer leurs panaches, mais elles peuvent sans aucune restriction envoyer les polluants enlevées de la fumée dans les cours d'eau. Fort heureusement, le Québec ne tire que 1,5% de son énergie du charbon.

Le Québec sans pétrole

Comment voyez-vous le monde en 2030? Équiterre, lui, voit le Québec sans pétrole. Pour ce faire, il faudra notamment que la moitié des Québécois fassent leurs courses à moins d'un demi-kilomètre de chez eux, qu'ils aient deux fois moins d'autos, que la majorité d'entre eux aient le choix de manger le midi à la maison tellement leur travail ou leur école est proche, que le chauffage au mazout soit banni des nouvelles constructions et que les quartiers à faible densité que privilégiés même dans la ville de Montréal soient chose du passé.

La question

Vous arrive-t-il d'emprunter en voiture le chemin Camilien-Houde plutôt que la Côte-Sainte-Catherine ou l'avenue des Pins pour aller d'un côté à l'autre de la montagne? Faites-nous part de vos commentaires.