Visiblement peu fier de voir le Québec trôner parmi les plus grands producteurs de déchets au monde, le gouvernement Charest entend interdire l'enfouissement du papier et du carton d'ici à 2013, puis celui des matières organiques d'ici à 2020.

La ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, a dévoilé lundi la toute nouvelle politique québécoise de gestion des matières résiduelles. Plutôt que d'avoir une date d'échéance comme les précédentes, elle est maintenant accompagnée d'un plan d'action quinquennal (2010-2015).

Après avoir essuyé deux échecs en autant de tentatives avec les précédentes mesures, Québec a décidé d'abandonner l'idée d'une cible de récupération globale. Il se concentrera en priorité sur la réduction de la quantité de déchets enfouis, actuellement évaluée à 810kg par personne, par année.

«Le tout premier objectif de la politique est de ramener la quantité de matières résiduelles éliminées à 700kg, soit le plus faible taux du Québec depuis 1998, a précisé la ministre. Il s'agit certainement d'un objectif ambitieux, car cela signifie une réduction de 110kg par habitant en cinq ans, soit tout près de 14%.»

Fini, donc, l'obsession du recyclage, qui avait comme effet pervers de concentrer l'attention sur le bac vert aux dépens de la production de déchets à la source: le taux de recyclage grimpait ainsi chaque année, mais la quantité de déchets augmentait encore plus vite.

Résultat: malgré le succès de la collecte sélective depuis 10 ans (augmentation de 103%), la quantité de détritus envoyés au dépotoir n'a pas diminué. Elle a plutôt augmenté de 12%.

Exit, donc, la cible globale de récupération, mais le gouvernement se fixe néanmoins des «objectifs quantitatifs intermédiaires» à l'horizon 2015: recycler 70% du papier, du carton, du plastique, du verre et du métal résiduels; traiter 60% de la matière organique putrescible; recycler ou valoriser 70% des résidus de construction et de rénovation.

Tous azimuts

Au-delà des changements rhétoriques, la politique proposée lundi se traduira dans les faits par un projet de loi et pas moins de cinq règlements. On visera la responsabilité élargie des fabricants de produits électroniques, la prise en charge financière de la collecte sélective par les entreprises et la mise en place de bacs bruns pour les déchets de table.

C'est d'ailleurs à cette fin que le gouvernement interdira l'enfouissement de l'ensemble des matières organiques (déchets de table, feuilles mortes, gazon, etc.) d'ici 10 ans.

Entre-temps, les municipalités devront mettre sur pied des services de collecte des déchets putrescibles, en plus de bâtir des usines de compostage et de biométhanisation (fermentation sans oxygène).

Mme Beauchamp a annoncé la création d'un programme financier de 650 millions de dollars en cinq ans à cette fin, dont la moitié environ proviendra des coffres de l'État. Puisant dans les redevances sur les hydrocarbures et sur les matières résiduelles, Québec avance ainsi l'argent nécessaire à la construction d'usines capables de traiter les matières organiques.

Le gouvernement doublera d'ailleurs le coût de l'enfouissement, qui passera de 10,67$ à 20,17$ la tonne. Cette redevance sera toutefois remboursée aux villes, selon des critères de performance à définir.

La politique québécoise qui vient de prendre fin fixait un objectif de récupération de 60% des matières organiques, mais ce taux n'a jamais dépassé 12%.

Par ailleurs, le gouvernement impose la responsabilité élargie des producteurs aux fabricants de produits électroniques, de piles et d'ampoules. Attendue depuis longtemps, cette initiative obligera les Dell, Samsung et autres Apple à mettre sur pied des points de collecte des vieux appareils d'ici à 2011.

Québec entend aussi s'attaquer au suremballage en obligeant les entreprises à payer 100% des coûts de la collecte sélective. De l'avis de la ministre, cette mesure incitera les producteurs à réduire l'emballage puisqu'ils payeront pour sa collecte et son traitement.

Également, les centres de tri, les organismes d'économie sociale et la récupération hors foyer (endroits publics) profiteront de sommes supplémentaires. Enfin, la pertinence de maintenir la consigne sur les canettes sera réévaluée périodiquement.