Devant la volonté affirmée du géant chinois, le Canada serait-il en train de revoir sa position sur les changements climatiques? Après avoir affirmé depuis des semaines, à l'instar de son ministre de l'Environnement Jim Prentice, qu'il serait impossible de conclure une entente sur les changements climatiques à Copenhague, Stephen Harper, de passage en Chine, a adopté un tout autre discours.

«Le monde a besoin d'une entente sur les changements climatiques. Le monde veut une entente sur les changements climatiques. Alors je suis très optimiste que tout le monde est en train de bouger dans la bonne direction et que ça va donner quelque chose à Copenhague», a dit le premier ministre Harper, samedi, à Shanghai.

Or, il y a quelques semaines à peine, son ministre de l'Environnement affirmait, pour la première fois lors d'une rencontre éditoriale à Calgary, en Alberta, que la conclusion d'une entente à la Conférence sur les changements climatiques de Copenhague était «peu probable», compte tenu d'un manque de temps pour régler les nombreuses divergences entre les pays.

«Ça ne sera peut-être pas tout ce que tout le monde voulait, mais c'est important qu'on fasse du progrès», a toutefois estimé le premier ministre, lors de son premier voyage en Chine.

Ottawa répète inlassablement depuis des mois qu'une entente sans les plus grands émetteurs, la Chine, l'Inde, les États-Unis, était inacceptable. Or, alors que le Canada a refusé de présenter le cadre réglementaire qu'il avait pourtant promis pour cette année et qui se fait attendre depuis trois ans, la Chine, elle, a récemment décidé de participer à l'effort collectif. Le gouvernement de Pékin a annoncé, il y a dix jours, qu'il s'engageait à réduire l'intensité de ses émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % d'ici 2020, à partir des niveaux de 2005.

Samedi, le quotidien anglophone China Daily publiait un sondage indiquant que près de sept Chinois sur 10 (68%) sont prêts à payer plus cher pour certains produits, dont l'énergie, pour en contrepartie financer les mesures d'atténuation des changements climatiques, un signe que la Chine entreprend un virage vert.

C'est d'ailleurs immédiatement après que le premier ministre chinois, Wen Jiabao, ait annoncé qu'il se rendrait à la Conférence de Copenhague que Stephen Harper a changé son fusil d'épaule et finalement décidé d'y assister aussi. Le président américain Barack Obama avait annoncé sa présence à l'important sommet deux jours auparavant.

Les troupes de Stephen Harper ont dû essuyer les critiques virulentes de l'opposition, qui juge inacceptable qu'Ottawa n'ait «pas de plan» et qui reproche au gouvernement conservateur d'être à la remorque des États-Unis, et d'attendre un geste de l'administration Obama avant d'annoncer de nouvelles cibles de réductions des émissions de gaz à effet de serre.

Les environnementalistes canadiens ont accusé à de nombreuses reprises le gouvernement Harper de faire obstruction aux négociations internationales sur les changements climatiques, en refusant notamment l'année de référence 1990, et en ne présentant aucun plan concret.

Ottawa rétorque que son «plan» est connu depuis longtemps: des réductions de 20% des émissions d'ici 2020, mais par rapport à 2006, ce qui représenterait une réduction de seulement 3% par rapport à l'année de base internationalement reconnue.

Mais alors que les États-Unis et la Chine arriveront à la table de négociations avec de nouveaux objectifs de réduction, certes timides, la position du Canada n'a pas bougé d'un iota, et le gouvernement fédéral risque donc d'arriver à Copenhague les mains vides.