Le gouvernement Harper risque de nuire à l'unité nationale s'il impose des cibles trop contraignantes aux provinces où sont concentrées les industries pétrolière et gazière, soit l'Alberta et la Saskatchewan.

C'est du moins l'avertissement que lance aux conservateurs la Canada West Foundation, dans un rapport publié hier. Selon ses auteurs, il est irréaliste d'exiger de ces deux provinces de l'Ouest, dont l'économie dépend largement de l'exploitation du pétrole et du gaz, les mêmes cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu'aux autres provinces. Il faut, selon eux, tenir compte des différences entre les provinces avant d'établir des cibles nationales.

 

«Si nous ne le faisons pas, les résidants de l'Alberta et de la Saskatchewan seront pénalisés indûment et la fédération pourrait être gravement déchirée», soutiennent les auteurs du rapport.

Le gouvernement Harper est déjà fortement critiqué par les groupes environnementaux et les partis de l'opposition qui jugent nettement insuffisant son plan de lutte contre les changements climatiques. Les conservateurs proposent de réduire les émissions de GES au pays de 20% d'ici 2020, mais en utilisant 2006 comme année de référence et non pas 1990, comme le stipule le protocole de Kyoto. Toutefois, le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, a jeté du lest la semaine dernière en annonçant que les cibles imposées seraient absolues et non plus des cibles d'intensité, beaucoup moins contraignantes.

Le ministre n'a par ailleurs pas encore déposé les règlements qui s'appliqueront aux différentes industries. Ils devaient être déposés au printemps dernier et sont maintenant attendus en 2010.

Mais, selon le président et fondateur de la Canada West Foundation, Roger Gibbins, les cibles envisagées par le gouvernement Harper risquent de frapper durement les provinces productrices d'énergie. «Nous risquons de nous enliser dans des conflits régionaux et interprovinciaux», a dit M. Gibbins.

Le Québec et l'Ontario, qui ont des cibles plus ambitieuses, ont déjà exprimé leur crainte de voir leurs efforts de réduction des émissions de GES annihilés par l'exploitation sans retenue des sables bitumineux en Alberta, par exemple.

Interrogé à ce sujet, hier, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, s'est montré peu impressionné par les conclusions du rapport. «L'unité nationale en fonction de qui? Il faudrait payer pour eux pour ne pas qu'ils soient choqués? Et ceux qui ont fait les efforts n'en profiteraient pas? En d'autres mots, on dit que le Québec devrait avaler ça pour ne pas heurter les Albertains? C'est ça, leur unité nationale? Eh bien! si c'est ça, qu'ils la gardent, leur unité nationale! C'est une raison de plus de faire la souveraineté», a dit M. Duceppe.

Selon le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, qui s'est déjà porté dans le passé à la défense de l'industrie des sables bitumineux de l'Alberta, il faut qu'Ottawa tienne compte des différences régionales. «J'ai toujours dit depuis mon entrée en politique que la politique énergétique, c'est une question d'unité nationale. Le Québec a une situation particulière, et la Saskatchewan et l'Alberta en ont une autre. C'est justement le manque de leadership du gouvernement fédéral depuis quatre ans qui risque à produire des problèmes. Je crois qu'il faut un système national de plafonnement et d'échange, et on peut avoir un système national qui ne divise pas les Canadiens, mais qui tient compte de la situation des différentes provinces», a dit M. Ignatieff.

 

 

Objectifs de réduction des GES

(Année de référence entre parenthèses)

Québec: -20% d'ici 2020 (1990)

Ontario: -15% d'ici 2020 (1990)

Colombie-Britannique: -14% d'ici 2020 (1990)

Nouveau-Brunswick: -10% d'ici 2020 (1990)

Saskatchewan: -32% d'ici 2020 (2004)

Alberta : -50% d'ici 2050 (2008)

Canada: -20% d'ici 2020 (2006)

États-Unis: -17% d'ici 2020 (2005)

Union européenne: -20% d'ici 2020 (1990)