Shi Zhongdong, patron de l'entreprise du Vaillant Cheval, ne jure que par une seule monture: le vélo électrique. Ce vélo qu'il exporte, y compris désormais vers l'Europe et ses normes exigeantes, «c'est l'avenir, c'est pratique, c'est propre, c'est économique».

Rien qu'en Chine, ils sont des dizaines de millions à partager le point de vue du fondateur de la Hanma Electric Bicycles, à Tianjin, à 120 km de Pékin. Ces dernières années, la bicyclette électrique a semblé éclore par génération spontanée: «ça a explosé depuis 2006», confirme Shi.

Il y en aurait aujourd'hui 120 millions en circulation, selon des estimations, alternative à la voiture encore chère et aux transports en commun pas toujours pratiques.

«Je déjoue les embouteillages», s'exclame en riant un Pékinois, avant de redémarrer prestement à un carrefour, avant même que le feu ne passe au vert.

Les producteurs se recensent par milliers, surtout dans les provinces côtières développées de l'Est (Jiangsu, Zhejiang, notamment).

«Il y a un millier de fabricants réguliers, 2 000 avec les occasionnels», affirme Shi.

Mais peu peuvent, comme lui, exhiber fièrement le certificat du premier «vélo électrique expérimental» produit dans leur municipalité, en 1986.

L'ingénieur électricien, alors employé dans une entreprise publique, est déjà passionné par le sujet. Et quand sonne l'heure de la retraite, à 55 ans, en 1999, il fonde Hanma, investissant 50 000 euros.

En 2009, Hanma «a senti l'impact de la crise mondiale» et son patron est avare de chiffres exacts: «Nous produisons entre 50 000 et 100 000 vélos par an».

Dans ses ateliers vieillots et glacials, les exemplaires s'alignent: de la bicyclette à assistance électrique - dotée d'une batterie au lithium et non au plomb, spéciale pour l'exportation - aux engins ressemblant à de petits scooters.

Ceux-là pas question de les exporter: trop lourds, trop rapides pour les normes occidentales. La limite dans l'Union européenne est de 25 km/h.

Mais ils sont nombreux dans les rues de Pékin, dépassant les 35 km/h, sans plaques ni obligation de permis de conduire, une aubaine dans une ville qui restreint sévèrement la circulation des scooters et motos.

Cette liberté n'est pas du goût de tous, notamment des «vrais cyclistes» devant partager leurs voies avec ces engins silencieux, rapides, envahissants.

Leur succès a failli causer leur perte. En décembre, les autorités ont soudain décidé de faire respecter de vieilles normes sur le poids et la vitesse -censée être limitée à 20 km/h- et de considérer les plus rapides et les plus lourds comme motos, avec permis, plaques et assurances à la clef.

Les réactions du public et de la profession ont été si vives que le projet a été suspendu.

«Les règles ne passeront pas. Des centaines d'usines fermeraient. Et que feraient les gens qui ont déjà acheté ?», dit Shi.

Shi est néanmoins ravi d'exporter 30% de sa production vers différents pays asiatiques, dont l'Inde, l'UE et le continent nord-américain. «Il y a beaucoup d'avenir pour le vélo électrique en Europe qui est très préoccupée d'environnement».

C'est peut-être pour cela que «l'Europe n'aime pas les batteries au plomb» qui relâchent une partie de leur métal toxique dans la nature, mais sont trois fois moins chères que les batteries au lithium (40 euros contre 120).

«Du coup nos vélos électriques sont plus chers pour l'export»: 295 euros contre 176 euros ceux vendus en Chine.

À cela il faut rajouter des frais de transport: 1 500 dollars pour un chargement de 20 à 80 bicyclettes, soit 75 dollars maximum par exemplaire.

Cherchez l'erreur: à l'arrivée le vélo est vendu... quelque 900 euros en France et en Allemagne.