Le premier ministre Charest a fait un pied de nez au gouvernement Harper qui dénonçait sa décision de faire cavalier seul et de définir ses normes pour la pollution des automobiles. De l'autre côté de la planète, le Québec s'est fait applaudir pour sa détermination en matière de développement durable.

Durant son intervention devant le Delhi Sustainable Developpement Summit, M. Charest a dans de détail expliqué les raisons qui avaient poussé le Québec a adopter des règles plus sévères pour les constructeurs automobiles, précisément les normes décriées cette semaine par le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice.

«Je ne serais pas venu jusqu'ici pour faire un clin d'oeil à M. Prentice. C'est un peu loin, se défendait-il sourire en coin. Le ministre fédéral avait affirmé cette semaine que les normes québécoises, qui visent à accroître l'efficacité énergétique des voitures, constituent «l'un des plus flagrants exemples de la sottise d'essayer d'agir seul dans une économie intégrée». Il est selon lui «absolument contre-productif et totalement inutile pour le Canada de se débattre seul de son côté, d'établir des cibles qui créeront ultimement des barrières aux échanges [commerciaux] et nous désavantageront».

Mais, de rappeler hier M. Charest, l'application de normes plus sévères, inspirées de la Californie est une condition d'admission au Western Climate Initiative. Déjà 14 États américains en font partie, représentant 40% de la population nord américaine, a rappelé M. Charest aux délégués. «Cette réglementation n'est pas contestée chez nous, ni au Canada, on sait où elle est contestée (à Ottawa) mais j'y crois. Je ne suis pas ici pour débattre avec le gouvernement fédéral» a-t-il soutenu. Ces normes californiennes «sont un indice très important de la détermination du Québec» au développement durable, a-t-il souligné plus tard en point de presse.

Charest avait été applaudi par le parterre quand il avait indiqué que le Québec comptait réduire de 20% d'ici 2020, ses émissions en prenant 1990 comme année de référence, une cible beaucoup plus contraignante que celles du Canada ou des États-Unis.

Le Delhi Sustainable Developpement Summit en est à sa dixième édition. M. Charest était le seul qui ne représentait pas un gouvernement national. On y retrouvait par exemple les premiers ministres de Grèce, de Norvège, de Finande, du Boutan. Sans participation d'un pays du G8, le rassemblement doit sa notoriété à son organisateur, le Dr Rajendra Pachauri, le directeur général du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, dont la crédibilité a été malmenée depuis quelques semaines pour avoir exagéré la rapidité de la fonte des glaciers. À Delhi toutefois, bien des intervenants, dont le leader indien Manmohan Singh et même M. Charest sont venus au secours du patron du GIEC. C'est le scientifique indien qui avait invité M. Charest à passer à Delhi pour l'événement.

Un appui de poids

M. Charest a aussi bénéficié d'un appui quasi inespéré. Gourou des environnementalistes américains, Jeffrey Sachs a publiquement salué les efforts du Québec en matière d'environnement et n'a pas caché sa déception à l'endroit de l'attitude du gouvernement Harper. «On voit du leadership au Québec et on ne le voit pas au niveau fédéral. Le Canada est compliqué comme mon pays, les États-Unis, et ces deux pays ne montrent pas de leadership. Au niveau régional, c'est très dynamique mais au niveau national, au Canada comme aux États-Unis, il est tristement clair qu'on traine les pieds», a dit M. Sachs.

Les gouvernements régionaux, les États et les provinces ont un rôle important à jouer, a-t-il insisté, rappelant l'intervention que venait de faire M. Charest a ce sujet. Pour le Québec, «50 à 80% de tout ce qu'on a besoin de faire pour réduire les émissions de gaz à effets de serre sera fait par des États, des gouvernements locaux, des provinces». Ces organisations auront beaucoup à faire, car, M. Sach a sans détours prévenu les membres du sommet qu'ils ne devraient pas espérer un accord «juridiquement contraignant» en matière de réduction des émissions. La situation est bloquée au Sénat américain et l'administration Obama ne pourra jamais signer une telle entente, prévient le spécialiste qui dirige le Earth Institute de l'Université Columbia. Il avait été, à 29 ans, le plus jeune professeur d'économie à Harvard.

Il ne s'avance guère sur la pertinence de normes d'émission pour les autos. «L'auto électrique est inévitable à mois qu'on bousille la planète» lance-t-il. Tout est en place pour des véhicules totalement différents dans les toutes prochaines années selon lui.

Pour M. Charest, M. Sachs est trop pessimiste quand il évalue la volonté de Washington, sa vision porte sur les toutes prochaines années. «Moi je pense qu'il faut être optimiste. Peut être cela n'arrivera pas à court terme, et si on part du principe qu'on n'y arrivera pas, il ne se passera rien. L'administration Obama est à mettre en place une série de programmes d'investissements très importants pour une économie verte» insiste M. Charest. Pendant des années, les Américains avaient nié l'existence des pluies acides jusqu'au moment où George Bush père a fait adopter le «Clean Air act», de rappeler aussi M. Charest.

Mais Jean Charest et son entourage se sont fait prendre au jeu dans leur désir de grossir l'importance de la présence du Québec. Jeudi, le premier ministre québécois devait prendre le thé avec le premier ministre indien, M. Singh, ainsi qu'avec quatre autres premiers ministres, (Grèce, Filande, Norvège et Slovénie). L'événement a été annulé sans raison, mais il a finalement eu lieu vendredi. Toutefois, la veille les quatres autres premiers ministres avaient, eux, obtenus des rencontres bilatérales avec le chef du gouvernement indien. Appelé à s'expliquer, M. Charest a minimisé l'incident. «J'ai rencontré le premier ministre Singh et l'ai invité à une visite officielle. J'ai souligné l'importance d'une entente de libre échange entre le Canada et l'Inde. Mon objectif était de lui dire directement ces choses, il est atteint». «La rencontre a eu lieu exactement comme était prévue la veille» résume-t-il.