Après l'éléphant et peut-être bientôt le thon rouge, l'ours polaire pourrait à son tour passer sur la liste des espèces tellement menacées que leur commerce international est interdit.

Tel est le souhait des États-Unis qui ont déposé un projet de résolution en ce sens, afin de faire passer les ours blancs de l'annexe II (espèces en danger, dont le commerce international est strictement réglementé) à l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction (Cites), lors de sa réunion prévue à Doha du 13 au 25 mars.

Mais cette démarche est déjà contestée par l'une des principales organisations de lutte contre le trafic d'espèces, Traffic, et par l'Union mondiale pour la nature (UICN), pour qui la pire menace identifiée à ce jour contre l'ours blanc est le changement climatique et la fonte des glaces arctiques.

Qui s'arrache donc le steak d'Ursus maritimus, sa fourrure ou ses dents au point de menacer la survie de l'espèce? La consommation et le commerce d'ours blanc concernent surtout les populations autochtones du Grand Nord, comme les Inuits, qui en mangent la viande, en font des vêtements, de l'artisanat et des descentes de lit.

C'est d'ailleurs sous la forme de trophées que l'ours polaire s'exporte le mieux, notamment vers les États-Unis, remarque le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), qui soutient la démarche américaine. Les chasseurs sont aussi prêts à payer 30 000 dollars le permis de chasse à l'ours blanc au Canada.

Mais contrairement à son cousin l'ours brun, la médecine chinoise traditionnelle ne convoite pas la bile de l'ours blanc et les contrebandiers courent moins la banquise que les savanes africaines.

La dernière estimation sur la population mondiale d'ours blanc avance 20 000 à 25 000 individus répartis en 19 colonies, dont les deux tiers habitent le Grand Nord canadien ou l'Alaska et le Groenland voisins. Les autres se répartissent entre la Russie et la Norvège.

Quinze de ces colonies sont considérées stables ou en déclin. Depuis 2008, l'ours blanc est classé en espèce «vulnérable» - dont la population pourrait diminuer d'un tiers sur les trois prochaines générations - en raison principalement de la dégradation et de la réduction de son habitat.

Ce sont ces informations «et les projections futures dues à différents facteurs dont le changement climatique» qui justifient, selon les États-Unis, la demande de classement en annexe 1.

Depuis les années 90, quelque 300 ours sont exportés chaque année sous forme de peaux ou de trophées.

Mais en réalité, le Canada, qui devrait s'opposer à la résolution à Doha, est le seul pays qui autorise actuellement l'exportation contrôlée de produits issus de l'ours blanc, explique Richard Thomas (Traffic). «La première menace contre l'ours polaire c'est la réduction de son habitat et le réchauffement. Le commerce, ou même la contrebande, ne présente pas une menace significative».

Un point de vue évidemment défendu par les organisations inuites qui ont dénoncé «une attaque directe contre les droits, la culture, les coutumes de chasse et contre les économies locales» des peuples de l'Arctique».

Mais pour l'Ifaw, l'Amérique applique le principe de précaution en voulant lever une menace supplémentaire qui s'ajoute à celle du climat.

«Il ne s'agit pas de remettre en cause la chasse de subsistance», assure Céline Sissler-Bienvenu (Ifaw - France). «Mais on redoute à terme l'augmentation des quotas de chasse en vigueur depuis les années 50». Pour elle, un statut de forte protection incitera à restreindre la chasse aux trophées.