En coupant les fonds de recherche sur le climat, le gouvernement Harper provoque non seulement la consternation chez les scientifiques du pays, mais aussi la mise à mort du centre de recherche sur le climat de l'UQAM.

La Presse a appris que la décision de ne pas renflouer les coffres de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère (FCSCA), annoncée la semaine dernière, obligera le Centre pour l'étude et la simulation du climat à l'échelle régionale (ESCER) à fermer ses portes... à moins que Québec ne vole à son secours.

«Sans une source alternative de financement, le récent budget fédéral sonne le glas de l'unique groupe universitaire canadien oeuvrant en physique du climat régional, qui a mis deux décennies à développer une expertise de réputation internationale», se désole le directeur du centre, René Laprise.

N'attendant plus rien du fédéral, ce dernier lance un appel au provincial ainsi qu'aux entreprises québécoises dont les activités sont vulnérables au climat (Hydro-Québec, SNC Lavalin, etc.), afin qu'ils se concertent et élaborent un plan de sauvetage avant le démantèlement des équipes de recherches.

À Québec, le ministère du Développement économique et de l'Innovation répond avoir déjà fait sa part en finançant le consortium sur le climat OURANOS. Mais il ajoute qu'il travaille néanmoins «sur des pistes de solution», l'une d'elle étant une sensibilisation accrue du fédéral à l'importance de financer la recherche, selon Anne-Sophie Desmeules porte-parole.

Pétition

Parallèlement à ce travail de coulisses, étudiants et partis d'opposition affûtent leurs armes pour tenter de sauver in extremis la Fondation canadienne, principal bâilleur de fonds de recherche au pays dans ce domaine.

Avec l'aide des députés Bernard Bigras du Bloc québécois et Thomas Mulcair du NPD, une vingtaine d'étudiants réunis sous le slogan «Le climat importe» continuent de militer en ce sens et invitent la population à exprimer leur appui en signant leur pétition.

À ce jour, plus de 1700 signatures ont été récoltées pour la version web de la pétition. Une seconde version, papier cette fois, circule également, afin d'être déposée dès cette semaine à la Chambre des communes, même si plusieurs étudiants se disent «découragés» par l'absence d'écoute du gouvernement Harper. Il lui reproche d'être resté de marbre devant la pétition en ligne (1700 signatures), les lettres ouvertes aux médias et les missives qu'ils ont envoyées à Stephen Harper et à ses ministres de l'Environnement.

«Le problème principal auquel nous faisons face est le temps : dans six mois l'essentiel de nos fonds de recherche seront épuisés, nous devrons licencier nos chargés de projet, et nous ne pourrons plus supporter une cohorte d'étudiants gradués suffisante pour maintenir nos programmes de formations aux études avancées», précise le Dr Laprise.

«Quel gaspillage d'efforts, d'énergies et de ressources investies sur des décennies, et surtout quel manque de vision pour l'avenir, ajoute-t-il. Dommage que les politiciens ne puissent être tenus responsables juridiquement des conséquences à long terme de leurs choix!»

«Préoccupés»

Les étudiants aussi se disent «très déçus et préoccupés» par la décision d'Ottawa, car c'est leurs travaux de recherche qui écoperont. «La disparition de la Fondation menace le travail de plusieurs assistants de recherche, qui devront se trouver un emploi ailleurs, explique Danahé Paquin-Ricard. Or les assistants nous offrent une précieuse aide avec les modèles climatiques.»

«Alors que tous les scientifiques crédibles s'accordent pour dire que le réchauffement climatique aura des conséquences importantes sur l'économie et le développement des pays, nous nous privons des outils technologiques et humains qui nous permettraient de surmonter les défis qui nous attendent», renchérit Olivier Beaulieu-Mathurin, président du Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec.

Les députés de l'opposition sont plus durs encore à l'endroit du gouvernement. «Couper les vives aux scientifiques revient à nier l'existence des changements climatiques, On choisit d'abandonner les chercheurs à leur sort, au profit de l'industrie gazière et pétrolière de l'Ouest, qui profitera d'importantes subventions déguisées pour développer le captage et la séquestration du carbone», affirme M. Bigras.

Pour Thomas Mulcair, la décision d'Ottawa rappelle l'époque de Galilée, où l'on ne faisait pas confiance à la science. «Les conservateurs sont en train de faire le même genre d'erreurs qu'ils ont commis en nommant un ministre des Sciences qui remettait en question les théories de Darwin», lâche-t-il.

Mais au cabinet du ministre de l'Environnement, Jim Prentice, on ne voit pas les choses du même oeil. On souligne que «le gouvernement continue d'investir dans la recherche sur le climat puisque la Fondation n'est pas le seul centre de recherche à être financé».

«Nous supportons actuellement plusieurs projets sur la recherche sur le climat à travers le programme de l'Année polaire internationale, doté de 100 M$, en plus de travailler à la mise en place d'une station de recherche en Arctique au coût de 87 M$ sur deux ans», a indiqué Frédéric Baril, porte-parole.

Le mandat de la Fondation a été prolongé jusqu'au 31 mars 2012, mais aucune étude ne pourra être lancée en raison de l'absence de fonds. Après avoir obtenu 60 millions de dollars en 2000 sous Jean Chrétien, puis 50 millions en 2004 sous Paul Martin, la Fondation n'a plus reçu un seul sou depuis, malgré les appels répétés des scientifiques.