Critiqués par bon nombre de scientifiques, au Québec et à l'étranger, les partisans de l'amiante chrysotile ont décidé de se regrouper pour faire valoir les bienfaits d'une utilisation contrôlée de cette fibre cancérogène.

Quatorze organismes ainsi qu'un scientifique ont annoncé cet après-midi, à Montréal, la création du Regroupement pour l'usage sécuritaire, responsable et contrôlé de la fibre chrysotile. On y retrouve les trois principaux syndicats de la province, deux villes, des associations patronales et des chambres de commerce locales.

L'objectif de la coalition est double : montrer que l'Institut du chrysotile (qui fait partie du regroupement) n'est pas l'unique organisation favorable à l'utilisation de l'amiante, et démontrer l'importance économique de cette industrie qui compte quelque 700 emplois directs et quelque 2 000 emplois indirects.

«Nous estimons qu'il est important de dire à ce moment-ci que nous sommes assez nombreux à penser que l'usage sécuritaire et responsable du chrysotile est la voie à privilégier, non pas celle du bannissement», a précisé Clément Godbout, responsable de l'Institut du chrysotile et du regroupement.

La coalition s'oppose farouchement aux nombreux scientifiques québécois qui, en septembre dernier dans une lettre publiée dans La Presse entre autres, ont demandé au gouvernement Charest d'interdire l'exportation de cette fibre cancérogène une fois pour toutes.

Les signataires - médecins, toxicologues, hygiénistes industriels et épidémiologistes - faisaient valoir que le Canada «a renoncé dans les faits à l'utilisation de l'amiante», qu'il vend donc aux pays en développement où les contrôles sécuritaires sont approximatifs.

«L'Institut du chrysotile, écrivaient-ils, rejette toute cette preuve scientifique établie sans conflit d'intérêt, lui préférant celle que l'industrie a achetée auprès "d'experts" à sa solde», une référence claire à Jacques Dunnigan, seul scientifique présent à la conférence de presse, cet après-midi.

Les membres du regroupement se sont dits, pour leur part, «préoccupés par le bannissement du chrysotile demandé par les militants anti-amiante». Ils soutiennent que cette interdiction n'a pas lieu d'être : non seulement elle ne réglerait en rien le problème constaté dans certains pays émergents, puisque de l'amiante d'ailleurs continuerait d'y être utilisée, mais elle aurait des effets dévastateurs sur l'emploi et le développement économique dans certaines régions du Québec.

Bien que les documents distribués hier comportent certaines données économiques sur les villes de Thetford Mines et d'Asbestos, ainsi que sur les MRC des Appalaches et des Sources, M. Godbout a reconnu ne pas avoir réalisé d'étude sur l'impact qu'aurait un bannissement de l'amiante sur la région.

Le directeur du Syndicat des Métallos (FTQ), Daniel Roy, a quant à lui livré un plaidoyer senti en faveur du maintien de l'industrie, et par le fait même de la survie des villes visées. Il a rappelé notamment le sort réservé à Murdochville après la fermeture de sa fonderie.

Rappelons que si les centrales syndicales québécoises sont sur la même longueur d'onde à ce sujet, ce n'est pas le cas des organisations syndicales du pays et d'ailleurs. Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA), le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier ainsi que la Fédération internationale des organisations de travailleurs militent tous pour le bannissement de l'amiante.

À ne pas confondre avec l'amiante amphibole, plus toxique encore, l'amiante chrysotile s'utilise sous forme de plaques, de tuiles et de tuyaux dans les pays émergents. Au Québec, cette fibre est utilisée entre autres dans des produits de freinage et dans la fabrication d'enrobé bitumineux.

Le Canada et le Québec se sont toujours opposés à l'inscription de l'amiante chrysotile à la liste des produits dangereux de la convention de Rotterdam, malgré l'avis du comité d'experts du traité.

La liste des signataires :

- La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

- Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)

- Le Conseil du patronat du Québec (CPQ)

- La Chambre de commerce et d'industrie des Sources, Asbestos

- La Chambre de commerce et d'industrie de Thetford Mines (CCITM)

- La Chambre de commerce régionale de Chaudière-Appalaches (CCRCA)

- L'Association minière du Québec (AMQ)

- La Ville d'Asbestos

- La Ville de Thetford Mines

- Le Mouvement PROChrysotile québécois

- L'Institut du chrysotile

- Le Syndicat des Métallos (FTQ)

- La Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

- La Fédération de la métallurgie (CSN)

- Jacques Dunnigan, Ph.D., de l'Université de Sherbrooke, Consultant scientifique