À moins d'un virage radical, la construction en banlieue aura raison de la rainette faux-grillon de l'Ouest, une espèce de grenouille menacée de disparition, affirme un groupe de scientifiques gouvernementaux dans un avis que La Presse a obtenu.

Dans cet avis transmis la semaine dernière à quatre ministres provinciaux, l'Équipe de rétablissement de la rainette faux-grillon de l'Ouest, composée en majeure partie de biologistes gouvernementaux, affirme que les autorités provinciales sacrifient de nombreux habitats naturels pour y permettre la construction de maisons.

 

Après 10 ans d'efforts, l'équipe de rétablissement jette un pavé dans la mare, à défaut de jeter l'éponge.

«Force est de constater que le déclin des populations se poursuit de façon alarmante en Montérégie et en Outaouais, affirme l'Équipe dans son avis daté du 12 avril. Les pouvoirs publics ne parviennent pas à assurer la conservation à long terme des habitats résiduels de l'espèce.»

«Pendant que les quartiers résidentiels se multiplient en périphérie, les zones de conservation tardent à voir le jour», ajoute-t-on plus loin.

En pleine année internationale de la biodiversité, et devant un phénomène mondial d'extinction des amphibiens, le sort de la rainette place le gouvernement du Québec devant des choix difficiles.

Les scientifiques critiquent en particulier les ententes de conservation négociées par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) avec les municipalités.

«En ce qui concerne le Bois de la Commune (La Prairie, Candiac), (les ententes) se traduiront à terme par le sacrifice de plus des deux tiers des étangs de reproduction de l'espèce dans ce secteur. La situation à Saint-Hubert est encore plus inquiétante: la pression de développement y est telle que cette population déjà fortement atrophiée se trouve de plus en plus enclavée et pourrait bien être la première à s'éteindre.»

Ces dernières années, pourtant, de nombreux lotissements immobiliers ont été freinés en Montérégie pour préserver l'habitat de la grenouille. Il semble que les mesures de conservation ne seront pas suffisantes, selon le rapport de l'Équipe.

Par exemple, la Ville de Longueuil a soustrait au développement environ 400 hectares du Boisé du Tremblay à Longueuil. C'est une superficie comparable à celle du parc du Mont-Royal. Mais cette démarche n'a pas encore abouti à la création d'un refuge faunique, note l'équipe de rétablissement.

Ces critiques vont au coeur des contradictions de la protection environnementale au Québec. En effet, les animaux menacés sont la responsabilité du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), qui manque toutefois de pouvoirs pour protéger les habitats fauniques en terrain privé. Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) est de son côté responsable de la protection des cours d'eau et milieux humides. Pour une espèce amphibie comme la rainette, cela signifie qu'une partie seulement de son habitat est protégé.