Des professionnels de la santé ainsi que des élus pressent Ottawa d'interdire l'amiante chrysolite avec une conférence de presse organisée ce matin sur la colline parlementaire. Le regroupement, soutenu par les députés du NPD Thomas Mulcair et Pat Martin, espère sensibiliser l'opinion publique et le pouvoir politique aux conséquences de la production d'amiante.

Au coeur de cette revendication, l'exportation de la quasi-totalité de l'amiante canadienne dans les pays en voie de développement. «Le Canada est un pays leader pour les droits de l'homme, mais il envoie de l'amiante dans un pays moins développé, où les travailleurs sont moins informés», déplore le docteur Tushar Kant Joshi, l'un des plus vibrants opposants de l'amiante en Inde.

Le Dr Koshi s'oppose au leitmotiv de l'Institut du Chrysolite, le lobby de l'industrie, selon lequel l'amiante peut être utilisée de façon sécuritaire. La question avait pourtant rattrapé Jean Charest lors d'une visite officielle en Inde, cet hiver. «Je suis désolé de dire que l'Institut du Chrysolite, au Québec, a donné les trucs pour l'industrie en Inde. C'est faux de dire que l'on peut utiliser de l'amiante de façon sécuritaire», poursuit-il.

Les dangers de l'amiante ont été reconnus par diverses organisations internationales (entres autres, l'Organisation Internationale du Travail ou l'Organisation Mondiale de la Santé) mais aussi par des organisations canadiennes, comme l'Association médicale canadienne ou la Société canadienne du Cancer. Pourtant, le Canada reste l'un des plus principaux producteurs d'amiante aux côtés du Zimbabwe, de la Russie, du Brésil ou du Kazakhstan.

«C'est un scandale que l'on exporte l'amiante alors qu'il n'y a pas d'utilisation sécuritaire. On ne permet plus l'amiante ici mais on l'exporte dans des pays où des gens vont en mourir. C'est scandaleux, et honteux», s'indigne le député d'Outremont Thomas Mulcair, qui s'oppose «farouchement» à l'exploitation des mines d'amiante au Québec.

«Nos vis-à-vis nous demandent souvent comment le Canada peut continuer à tenir le discours qu'il tient sur les tribunes internationales?», dit Fernand Turcotte, professeur émérite de médecine préventive et de santé publique de l'Université Laval. «Les leaders politiques répètent le discours de l'usage de l'amiante sécuritaire, mais ce sont des sornettes», poursuit-il.

Le professeur Turcotte a déposé, avec d'autres scientifiques, un mémoire pour réviser la loi sur les mines à l'Assemblée nationale et se dit prêt à comparaître devant les élus. Il espère également que les prises de position publiques aideront à dissiper «le nuage de désinformation» dans lequel les Québécois et les Canadiens sont «endormis».

L'amiante, soutient-il, «tue encore et va tuer encore longtemps». «Ce n'est pas le tabagisme, mais c'est une cause de mortalité évitable et notre rôle est de faire disparaître cette cause», dit-il. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) attribue à l'amiante la majorité des décès liés au travail. En 2009, l'amiante a tué 102 travailleurs au Québec.