Une nouvelle étude démontre que les raffineries des sables bitumineux rejettent des métaux lourds dans l'air et dans l'eau du nord de l'Alberta.

L'étude, publiée dans la prestigieuse revue académique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, a découvert que la concentration en métaux lourds tels que le plomb et le mercure est déjà au-dessus des niveaux considérés comme dangereux pour les poissons.

Le gouvernement albertain a longtemps affirmé que de telles substances se retrouvent naturellement dans l'environnement, et qu'elles sont libérées par les affleurements des gisements de sables bitumineux.

Cependant, l'étude, réalisée par l'écologiste David Schindler, de l'Université de l'Alberta, élimine cette possibilité et critique sévèrement le programme de surveillance environnementale de la province.

«Contrairement aux affirmations de l'industrie et du gouvernement dans les médias, l'industrie des sables bitumineux augmente de façon substantielle les quantités de polluants toxiques dans la rivière Athabasca et ses affluents via l'air et l'eau», conclut le rapport.

Toutefois, bien que le gouvernement de l'Alberta accepte qu'une partie de la contamination puisse provenir de l'industrie, il a affirmé qu'il n'y avait pas assez d'informations pour savoir si elle en était la source principale. «Il est très difficile, dans bien des cas, d'attribuer les tendances de la qualité de l'eau à un seul facteur», a déclaré lundi Kim Westcott, du ministère albertain de l'Environnement. «C'est une chose particulièrement complexe à décortiquer.»

À l'été 2008, l'équipe de M. Schindler avait installé des stations de surveillance sur l'Athabasca et quelques-uns de ses affluents. Certaines de ces stations ont été installées en amont des sables et des raffineries, d'autres étaient situées au milieu des sables mais en amont des raffineries, tandis qu'un troisième groupe de stations était installé en aval des deux autres.

L'équipe a découvert que les concentrations pétrochimiques n'augmentaient pas avant que le courant ne circule près des raffineries, spécialement dans le cas de nouvelles constructions.

«Dès qu'il y avait plus de 25% de perturbation du bassin hydrologique, nous avons eu de fortes hausses de tous les contaminants que nous avons mesurés - et cela rien qu'en enlevant la terre et les arbres en prévision d'une exploitation minière ou de la construction d'un bâtiment», a indiqué M. Schindler. Les contaminants étaient également émis par des activités en cours, a précisé le scientifique.

Celui-ci a découvert que les niveaux de métaux augmentaient au printemps, comme l'on pourrait s'y attendre lorsque les dépôts survenus durant l'hiver sont évacués en aval durant la fonte des neiges.

Cette étude fait suite à une précédente enquête du même programme de recherche, et qui suggère que la contamination par les raffineries des sables bitumineux est approximativement cinq fois plus importante que les chiffres dévoilés par l'industrie.

Les métaux détectés ne comprennent pas seulement du plomb et du mercure - tous deux neurotoxiques - mais également du cadmiun, du cuivre, du nickel, de l'argent et sept autres métaux considérés comme des polluants importants par l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA).

Les concentrations en métaux demeurent sous les seuils de danger pour les humains, mais les concentrations dans certains sites de tests à des moments précis de l'année sont plus élevées que les seuils fixés par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement pour protéger les écosystèmes marins - quelques fois beaucoup plus élevées.

Ces toxines aboutissent dans les animaux qui sont transformés en nourriture, a prévenu David Schindler. «Je ne crois pas qu'il y ait un moyen de réfuter ceci, a-t-il dit, en faisant référence à son étude. On devrait faire très peu confiance à la propagande du gouvernement albertain.»

Pour Caroline Bampfylde, d'Environnement Alberta, par contre, les résultats initiaux des données gouvernementales recueillies en onze sites de la région en 2009 ne sont pas concluants. «Il n'y a pas vraiment de tendance constante, selon les métaux ou selon les endroits», a-t-elle dit.

Elle soutient d'ailleurs que 33 ans de surveillance du delta de l'Athabasca, très en aval de l'industrie des sables bitumineux, ne montre aucune augmentation de la contamination.

David Schindler a déclaré qu'il était temps que le gouvernement fédéral s'implique pour protéger la rivière, ce qu'il a le pouvoir de faire en vertu de la loi.