Les observateurs craignent que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne puisse étudier sérieusement l'industrie naissante du gaz de schiste.

«Comment voulez-vous que le BAPE se prononce alors qu'il n'a aucune étude d'impact? a demandé hier Christian Simard, de Nature Québec. La commission du BAPE sur l'eau avait fait son propre document de consultation, mais avait disposé de quelques mois pour le préparer.»

Dans le cas du gaz de schiste, le BAPE disposera de cinq mois en tout, jusqu'au 4 février, pour consulter la population, les experts, les groupes de pression et les responsables des différents ministères avant de remettre son mémoire.

En outre, M. Simard craint que les limites régionales imposées à la consultation servent à exclure les questions d'ordre plus général.

Le texte du mandat du BAPE n'est pas encore disponible. Selon le communiqué de presse publié hier, le BAPE «proposera des orientations assurant le développement sécuritaire et durable de l'industrie, et ce, pour les volets d'exploration, d'exploitation ainsi que pour les infrastructures de collecte du gaz naturel».

Il n'y a aucune référence au fait qu'il s'agirait de la première incursion du Québec dans le domaine des hydrocarbures, avec les questionnements que cela entraîne.

«Les gens ne sont pas des imbéciles, ils réfléchissent, ils sont capables de faire un débat en profondeur, dit M. Simard. Par exemple, la Norvège a érigé tout un programme de réduction de sa consommation d'énergie avec sa stratégie pétrolière. Chez nous, Harvey Mead (écologiste bien connu) soutient que, comme c'est un capital naturel non renouvelable, il faut utiliser tous les revenus pour trouver une énergie de remplacement qui le serait.»

Daniel Breton, du groupe Maîtres chez nous 21e siècle, estime quant à lui que le mandat du BAPE est très restreint: «Le gouvernement dit qu'on va de l'avant peu importe ce qui arrive, dit-il. De plus, si pendant les audiences du BAPE on se retrouve avec une campagne de relations publiques de l'industrie, le débat va être faussé. Et puis il faut savoir si le BAPE aura les moyens d'accomplir son mandat. Dans les audiences sur le projet de terminal gazier Rabaska, le BAPE a reconnu qu'il n'avait pas les moyens d'avoir une expertise indépendante, alors il a pris les études de l'industrie.»

M. Breton se demande aussi qui sera le «promoteur» du projet. Dans chaque mandat du BAPE, c'est au promoteur de publier une étude d'impact et de défendre le projet. «Dans ce cas-ci, est-ce que ce sera le ministère des Ressources naturelles?» demande-t-il.

Pour André Caillé, président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, le débat sur le gaz de schiste se résume à des questions de voisinage. «Nous, on veut être des bons voisins», a-t-il déclaré à Bécancour, lors du lancement de la campagne d'information que l'industrie a décidé de mener. Il croit qu'on peut faire l'économie d'un débat plus large. «Je ne crois pas que les citoyens aient des thèses, ils ont des inquiétudes», a-t-il dit.

Cette campagne, conçue par la firme National, comprend des séances d'information à Bécancour, Saint-Édouard-de-Lotbinière et Saint-Hyacinthe, trois régions aussi visées par le BAPE.

M. Caillé s'est défendu de vouloir faire de l'information «dirigée». «L'idée d'une campagne est venue avant l'annonce du BAPE, a dit M. Caillé. Les gens sont inquiets et on n'a pas de raison de ne pas les rassurer.»

Il a par ailleurs assuré le BAPE de son entière collaboration.