Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a reçu le mandat d'enquêter sur le gaz de schiste. Mais voilà qu'on apprend que son président, Pierre Renaud, a travaillé pendant six ans dans un groupe qui a reçu des dons de compagnies gazières et pétrolières. Un des membres du conseil d'administration de ce groupe était André Caillé, aujourd'hui l'un des principaux promoteurs du gaz de schiste.

Avant d'être nommé à la tête du BAPE, M.Renaud a été vice-président de la section québécoise du groupe Conservation de la nature. La mission de cet organisme consiste à acheter des territoires naturels afin de les soustraire au développement ou à l'exploitation. Il protège ainsi une partie des monts Sutton, dans le sud du Québec.

En 2005, Conservation de la nature Canada (CNC) avait reçu des dons et des subventions d'environ 40 millions de dollars et gérait des terres valant près de 180 millions. En 2009, selon son rapport annuel, il avait reçu des dons et des subventions de 76 millions et gérait des terres d'une valeur de plus de 400 millions. Les dons des entreprises privées sont déductibles d'impôt.

André Caillé a siégé au conseil d'administration de la section québécoise de Conservation de la nature Canada de 2001 à 2005. Il était alors PDG d'Hydro-Québec. En 2008, il a été nommé conseiller stratégie senior de Junex, une des principales entreprises impliquées dans l'exploration du gaz de shiste au Québec. Il siège au conseil d'administration de Junex et est président de l'Association pétrolière et gazière du Québec. «André Caillé a en effet siégé au conseil d'administration de Conservation de la nature, section Québec, lorsque Pierre Renaud était vice-président de cet organisme, a indiqué hier Diane Paquin, porte-parole du BAPE. Mais pendant ces quatre années-là, M.Caillé a assisté à une seule réunion du conseil en présence de M.Renaud. MM.Caillé et Renaud ne sont pas des amis. M.Renaud a été invité à participer aux Entretiens Jacques Cartier, prévus en novembre prochain. Quand il a su que M.Caillé allait y être, il a décliné l'invitation. M.Renaud respecte avec rigueur son devoir de réserve.»

Daniel Breton, président du groupe Maître chez nous au 21e siècle - regroupement écologiste qui s'inspire de la nationalisation de l'électricité pour relancer l'idée d'un vaste chantier sur la gestion de l'énergie au Québec - se dit peu rassuré par les déclarations d'indépendance de M.Renaud. Selon lui, le BAPE fait preuve d'une «complaisance ahurissante» envers l'industrie du gaz. «On sent un biais fortement favorable à l'industrie», dit-il.

«On ne répond pas aux questions les plus élémentaires des citoyens. Par exemple, j'ai demandé quel sera l'impact du gaz de schiste sur les ventes d'hydroélectricité aux États-Unis. L'exploitation accélérée des gisements va entraîner une production massive de gaz et, par ricochet, une baisse des prix. Les Américains pourraient trouver plus économique de construire des centrales au gaz que d'importer de l'hydroélectricité. Que se passera-t-il avec les projets d'exportation d'Hydro-Québec?»

Donateurs variés

Diane Paquin a souligné pour sa part que des entreprises de tous les secteurs d'activité finançaient Conservation de la nature. Les donateurs comptent dans leurs rangs des entreprises aussi différentes que Bell Canada, la Banque Scotia, Monsanto ou Power Corporation, sans compter de nombreux organismes publics, comme Environnement Canada, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec et la Ville de Montréal.

Les sociétés pétrolières figurent aussi parmi les importants donateurs. Les noms de BP, Shell, Suncor Energy Foundation, Alliance Pipeline Limited, Fondation Pétrolière Impériale et JD Irving figurent parmi les entreprises qui ont donné plus de 100 000$ dans les rapports annuels de 2001 à 2007.

«Les entreprises pétrolières et gazières versaient leurs dons au niveau national de Conservation de la nature Canada, pas à la section québécoise, a dit la porte-parole du BAPE. M.Renaud travaillait dans cet organisme, mais il n'a jamais eu de contacts avec ces entreprises. Depuis sa nomination au BAPE, il n'a plus aucun lien avec l'organisme.»