D'un côté, il y a la mer turquoise qui s'étend à l'infini. De l'autre, l'horizon est bouché par une rangée de tours, des centaines d'hôtels destinés à héberger les 4 millions de touristes qui viennent chaque année se prélasser sur les plages. Pas de doute: vous êtes à Cancún. La station balnéaire des Caraïbes, qui accueillera le sommet de l'ONU sur le changement climatique, incarne le comble de la voracité hôtelière et de la surexploitation touristique. Le plan d'urbanisme originel établi par les autorités fixe une limite de 30 990 chambres d'hôtel. Il y en a 36 852, soit 6000 de trop.

Sur la plage de Cancún, Alejandra Serrano, avocate du Centre mexicain de droit environnemental (CEMDA), montre du doigt le cynisme des promoteurs qui ont construit des hôtels de plus de sept étages, la limite fixée par la loi: «Ils préfèrent payer l'amende plutôt que de se comporter d'une manière responsable pour l'environnement. C'est plus rentable pour eux.» Mastodonte surmonté d'une tourelle, l'hôtel Riu Cancún a, dans un geste de défi, peint en orange les trois étages qui dépassent la hauteur réglementaire.

Pression du secteur hôtelier

Ici, se réuniront dans quelques jours des milliers d'experts pour débattre des politiques de prévention du changement climatique. À Cancún, ils auront sous les yeux tout ce qui est absolument contre-indiqué en matière de développement durable. Le Moon Palace Golf and Spa Resort, qui abritera les séances plénières de la conférence sur le climat et hébergera les dignitaires étrangers, a été construit sur une aire de mangroves. Ces étendues de végétation, typiques des zones côtières tropicales, abritent d'innombrables espèces protégées. Mais surtout, elles aident à réguler les effets du réchauffement climatique.

D'après les associations écologistes de Cancún, cet hôtel n'aurait pas obtenu le permis de transformation du sol forestier en sol urbanisable, nécessaire à sa construction. «C'est une honte que cet endroit soit le siège de la conférence», estime Araceli Dominguez, dirigeante du Groupe écologiste du Mayab.

Cancún a été bâti sur la destruction de l'environnement. La dune naturelle et les mangroves ont été rasées. Le bétonnage a fragilisé la côte, l'exposant aux déchaînements de la nature. Au passage de l'ouragan Wilma en 2005, les plages se sont littéralement évaporées et la marée a pris d'assaut les hôtels, édifiés trop près de la mer.

En 2006 et en 2008, le gouvernement fédéral a financé la reconstruction des plages de Cancún sous la pression du secteur hôtelier. Le sable a été acheminé de zones naturelles protégées, comme l'île de Cozumel, ou drainé au fond de la mer, dévastant au passage une partie du récif de corail, le deuxième en importance au monde.

Surexploitation touristique

«Quand Cancún a été construit il y a 30 ans, la préoccupation pour l'environnement n'existait pas», justifie Marissa Setien, directrice de l'Association des hôtels de Cancún. «Si, au départ, on avait eu conscience des dommages écologiques que pouvait causer ce type de constructions, on n'aurait résolument pas procédé de cette manière.»

Sous le feu des critiques et en proie à une baisse significative du nombre de visiteurs européens, les hôtels de Cancún tentent de redorer leur blason écologique en adoptant une série de bonnes pratiques et en se décernant entre eux des certificats «hôtels verts». «Il est très difficile de modifier la structure physique d'un bâtiment qui date d'il y a plus de 20 ans. Mais les efforts sont plutôt orientés vers la gestion de la consommation d'énergie, des déchets et de l'eau par exemple», explique Hector Romero, gérant de l'entretien de l'hôtel Fiesta Americana Grand Coral Beach. Celui-ci montre fièrement les poubelles de différentes couleurs, destinées au tri des déchets réalisé par les employés.

Ces mesures palliatives ne convainquent pas Alejandra Serrano, qui estime que la surexploitation touristique de Cancún équivaut à «tuer la poule aux oeufs d'or»: «Ce sont les ressources naturelles, les plages et les récifs de corail qui attirent des visiteurs à Cancún. Mais ce sont justement ces ressources naturelles que l'industrie hôtelière est en train de détruire. Quand ils auront tout anéanti, qui viendra encore à Cancún?»