La disparition annoncée de Recyc-Québec et l'embauche récente par le ministre Pierre Arcand d'un lobbyiste font craindre pour l'avenir de la consigne, qui s'applique actuellement aux contenants de boissons gazeuses et de bière.

Le lobbyiste en question, Jonathan Gagnon, a été embauché au cabinet du ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) le 20 septembre dernier.

Auparavant, il agissait pour le compte d'ÉcoEntreprises Québec, qui regroupe de grands détaillants comme la Société des alcools du Québec et des fabricants de produits alimentaires comme le lait et le jus. En fait, il était toujours inscrit comme lobbyiste hier, une «omission» qui a été corrigée dans le courant de la journée, selon la porte-parole du ministre Arcand, Sarah Shirley.

À titre de lobbyiste, M. Gagnon a fait auprès du MDDEP des «démarches de sensibilisation à l'égard des programmes municipaux de collecte sélective dans le cadre des travaux de la rédaction de la nouvelle politique de gestion des matières résiduelles».

Mme Shirley confirme que la gestion des matières résiduelles «fait partie des attributions» de M. Gagnon au cabinet de M. Arcand.

Pour ce qui est de la consigne, «elle sera étudiée et la décision sera prise au cours de l'année 2011», dit-elle.

Les bouteilles de vin, d'eau, de lait ou de jus ont en commun de ne pas être soumises à la consigne. Les entreprises de ces secteurs privilégient le recyclage par collecte sélective, qui leur impose moins d'obligations.

«L'avenir de la consigne est préoccupant parce que le lobby en faveur de la collecte sélective est très fort», dit Karel Ménard, du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).

Cependant, la consigne est bien plus efficace que la collecte sélective.

Par exemple, pour les bouteilles de bière, le taux de récupération atteint presque 95%. Chaque bouteille est réutilisée de 10 à 12 fois. En revanche, moins de 50% du verre non consigné passe par les bacs de récupération et celui-ci n'est jamais réutilisé.

«Moi, je trouve que ça pose problème, dit Martine Ouellet, porte-parole de l'opposition en matière d'environnement. C'est inquiétant qu'un lobbyiste se retrouve tout à coup au cabinet. Comme lobbyiste, il (M. Gagnon) s'est positionné de façon très claire en faveur de la collecte sélective. C'est un manque de jugement flagrant de la part du ministre de s'entourer d'un lobbyiste. Je trouve ça discutable à cause des dates très rapprochées et des mandats qu'on lui a confiés.»

Mme Shirley défend l'embauche de M. Gagnon. «Dans la mesure où les gens son engagés sur la base de leur compétence, ça implique qu'ils aient une expérience pertinente, dit-elle. Et il n'y a pas de délai de carence dans la loi sur les lobbyistes pour l'embauche.»

Le système de consigne était géré par Recyc-Québec, qui imposait des pénalités aux producteurs lorsque le taux d'efficacité souhaité n'était pas atteint.

Ce sont entre autres ces pénalités qui ont permis à Recyc-Québec, société d'État, d'accumuler plus de 40 millions au fil des ans. En plus de payer ses dépenses de fonctionnement. Une belle application du principe pollueur-payeur, selon plusieurs observateurs.

«On ne s'attendait pas à la disparition de Recyc-Québec, dit Martine Ouellet. Quels sont les avantages de ça? C'est un organisme qui fonctionnait, qui ne coûtait pas d'argent. On se demande quel est le vrai programme du ministre.»

Annoncée le 11 novembre, la disparition de Recyc-Québec fait partie des mesures du projet de loi 130, qui met en application le Plan d'action 2010-2014 du gouvernement pour la réduction et le contrôle des dépenses.

Dans son communiqué le mois dernier, le ministre Arcand a affirmé que l'intégration des activités de Recyc-Québec au sein de son ministère permettrait d'économiser annuellement 2 millions. Mme Shirley, indique que les obligations et contrats de Recyc-Québec seraient entièrement respectés.