Pendant que les États-Unis progressent en matière d'environnement, avec une nouvelle réglementation pour encadrer le développement industriel, le Canada stagne, voire régresse, estiment l'opposition et les environnementalistes, et ce, malgré la promesse d'Ottawa d'harmoniser ses politiques avec son voisin du sud.

Incapable de faire passer au Congrès une loi sur un système de plafonnement et d'échanges du carbone, l'administration Obama a adopté cet automne une réglementation administrative qui limite les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les nouvelles constructions industrielles et les installations déjà existantes qu'on rénove.

Entrant en vigueur le 2 janvier, la nouvelle réglementation de l'Agence de protection environnementale américaine prévoit que les États, au moment de délivrer les permis de construction, devront imposer aux entreprises l'utilisation de technologies plus vertes.

«Leur but est d'avoir la meilleure technologie disponible dans les nouvelles installations et on est vraiment d'accord avec ça», a souligné à la mi-décembre le ministre de l'Environnement, John Baird.

«Les nouvelles mesures aux États-Unis sont des lignes directrices, pas une réglementation, a-t-il toutefois affirmé, tentant de minimiser l'enjeu. C'est volontaire pour les États.»

Faux, rétorquent les environnementalistes. Ce sont bien les États qui administreront la nouvelle réglementation, parce que ce sont eux qui délivrent les permis de construction, mais le seul choix qu'ils ont sera de sélectionner parmi des technologies déjà approuvées par Washington celles qu'ils imposeront aux constructeurs.

«L'Agence de protection environnementale fournit une liste des meilleures technologies disponibles. Donc le fédéral fournit les directives, mais les États doivent s'y conformer», explique Clare Demerse, de l'Institut Pembina.

Le Canada n'a pas de réglementation pour limiter les émissions de GES chez les grands pollueurs. Or, depuis des mois, le gouvernement conservateur répète qu'il harmonisera ses politiques avec celles des États-Unis.

«L'enjeu est important pour le Canada parce que ça s'applique aux nouvelles constructions industrielles. Et au Canada, le secteur qui connaît la plus forte expansion et le plus de nouvelles constructions, c'est celui qui s'implante dans les sables bitumineux», lance Mme Demerse, qui juge que c'est peut-être ce qui rend Ottawa frileux.

«Ce que le ministre devrait dire, c'est qu'on va suivre les États-Unis, pourvu que les États-Unis ne fassent rien», renchérit sans équivoque Steven Guilbeault, d'Équiterre.

Bilan sombre

Pour les partis de l'opposition à Ottawa, il s'agit là d'une preuve supplémentaire du faible bilan des troupes conservatrices de Stephen Harper en matière d'environnement.

«Le gouvernement n'a pas fait ses devoirs alors il n'est pas en position de suivre les États-Unis. Les États-Unis vont de l'avant et devancent maintenant le Canada dans la réponse aux changements climatiques, soutient le député libéral, Gérard Kennedy. L'hypocrisie dans le dossier est claire et évidente.»

Échec, inaction, risques pour l'économie, l'opposition dresse un bilan très sombre de la dernière année du gouvernement conservateur en environnement.

«C'est un gouvernement qui a tout fait pour bloquer les progrès dans la lutte contre les changements climatiques, juge Bernard Bigras, du Bloc québécois. Ils ont commencé par museler les scientifiques d'Environnement Canada. Ils ont coupé les fonds à la recherche sur les sciences du climat. Ils ont utilisé le Sénat pour bloquer le seul projet de loi qui visait à lutter contre les changements climatiques. Et finalement, ils n'ont cessé de mettre du sable dans l'engrenage des négociations internationales.»

Pour Linda Duncan, porte-parole en environnement pour le NPD, l'année 2010 se résume en un mot: échec.

«Ce n'est pas une question partisane. Le commissaire à l'environnement a lui-même dit que le gouvernement avait échoué à assumer ses responsabilités en matière de protection de l'environnement et de développement durable», souligne-t-elle.

«L'argument qu'on entend toujours, c'est qu'il faut un équilibre entre économie et environnement, ajoute Mme Duncan. Mais ce que le gouvernement ne comprend pas, c'est qu'il est en train de se faire dépasser par le reste de la planète.»

«À la fin de 2009, je disais qu'on avait atteint le fond du baril. En 2010, on s'est rendu compte que le baril n'avait pas de fond», conclut pour sa part Steven Guilbeault, d'Équiterre.

Si les environnementalistes se réjouissent que le Canada se soit finalement rallié à l'accord signé à Cancún, en décembre, ils estiment qu'il reste beaucoup de travail à faire avant la prochaine série de négociations internationales, à Durban, en Afrique du Sud. Pour l'opposition, seul un virage idéologique pourra faire avancer réellement le Canada dans le dossier. Le ministre de l'Environnement a refusé les demandes d'entrevue de La Presse.