Depuis un demi-siècle, les populations de gros poissons ont chuté de 65%. Mais celles des petits poissons, elles, ont doublé. Selon plusieurs experts, les mesures actuelles en matière de pêcheries mènent directement à un avenir où les poissonniers s'approvisionneront uniquement auprès des aquaculteurs, les pêcheurs se limitant à produire de la moulée pour ces derniers.

«Les petits poissons sont plus nombreux parce qu'il y a moins de prédateurs», explique Villy Christensen, biologiste à l'Université de la Colombie-Britannique. «Nous avons fait l'erreur de nous limiter à examiner les populations de certains poissons. Il nous faut considérer les écosystèmes dans leur ensemble pour bien comprendre ce qui se passe. Il y a encore beaucoup de biomasses dans les océans. Je préfère un monde où il y a encore de gros poissons dans l'eau, qui nourrissent des pêcheries durables. Si nous ne faisons rien, les océans nous fourniront encore des calories, bien qu'indirectement, mais ils seront radicalement différents des anciens.» Selon ses calculs, il y a actuellement de 17% à 112% trop de captures de poissons pour que la pêche puisse être durable.

Siwa Msangi, chercheur à l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, estime que l'avenir est à l'aquaculture. «Pour les pays pauvres, c'est une source fiable de protéines animales, dit M. Msangi. On voit déjà des exemples prometteurs en Asie du Sud-Est et en Afrique de l'Ouest, où les pêcheurs vendent les poissons trop petits ou invendables tels quels aux aquaculteurs.»

Réduction des pertes

La réduction des pertes, qui atteignent 40% dans certains marchés, est l'une des avenues les plus prometteuses pour répondre à la demande croissante en poissons, confirme M. Christensen, qui lui aussi considère que le type d'aquaculture pratiqué dans les pays émergents est l'exemple à suivre. «On combine dans les mêmes bassins poissons et mollusques, et parfois même plusieurs espèces de poissons, dit M. Christensen. Et comme il s'agit de poissons d'eau douce, il n'y a pas de problème de pollution côtière comme avec le saumon.»

L'impact des changements climatiques demeure la grande inconnue. Une étude publiée l'an dernier dans Global Change Biology montre que la quantité de poissons pourrait augmenter en Australie, mais les doutes à l'égard de ces résultats demeurent élevés.