Année après année, mètre après mètre, l'Arctique canadien disparaît.

Les auteurs d'une nouvelle étude internationale sont arrivés à la conclusion que le trait de côte de l'Arctique canadien reculait en moyenne plus rapidement qu'ailleurs dans les autres régions circumpolaires.

Bien qu'ils ne soient pas encore en mesure de le prouver, des scientifiques pensent que ce recul graduel observé le long des milliers de kilomètres du trait de côte nordique s'accélère. Et cette érosion aurait déjà d'importantes répercussions pour les personnes vivant dans le Nord, dont la plupart sont établies le long de la côte.

«Tous les aspects de la vie dans le Nord seront touchés, de l'ingénierie jusqu'à l'interaction des Inuits avec leur environnement», a soutenu Wayne Pollard, un géomorphologue de l'Université McGill de Montréal qui a participé à l'étude, dont les résultats ont été publiés dimanche.

Cette étude, effectuée par un regroupement de plusieurs groupes de recherche internationaux, est la première à pouvoir confronter différents niveaux d'érosion, tout en prenant en considération les répercussions pour les habitants du Nord.

La majeure partie de la côte nord du Canada est composée d'une substance visqueuse gelée, plus précisément d'un mélange de blocaille et de boue cimenté grâce au gel permanent. Cette région a toujours été exposée à de l'érosion causée par le vent et les vagues.

L'étude avance que le trait de côte de la mer de Beaufort, dans l'Arctique de l'Ouest, recule plus rapidement que toute autre ligne de côte nordique.

En moyenne, les vagues provoquent une érosion d'un mètre par année. Par endroits, le recul atteint même huit mètres par année.

Les scientifiques ne mesurent pas ce phénomène depuis suffisamment longtemps pour pouvoir parvenir à des conclusions irréfutables suivant des tendances historiques.

Cependant, l'étude mentionne que la glace marine est essentielle pour protéger la côte. Et la glace de mer subit elle-même un recul à cause du changement climatique.

Selon Volker Rachold, de l'institut Alfred Wegener, en Allemagne, le phénomène est simple à comprendre.

«Il y a un trait de côte non consolidé et gelé qui est stabilisé par le gel permanent. S'il y a une couverture des glaces de mer qui atteint la ligne de côte, rien ne peut arriver : il n'y a aucun contact direct.»

«Si les saisons des eaux libres sont plus longues, et que la distance entre la côte et la glace marine s'agrandit, les vagues sont plus nombreuses, et cela provoque davantage d'érosion», a-t-il poursuivi.

De plus, au fur et à mesure que le climat du Nord se réchauffe, le pergélisol perd en stabilité.

Tous ces éléments poussent M. Rachold à penser que le taux d'érosion le long de la côte augmente.

Quant à lui, M. Pollard, qui travaille de près avec des Inuvialuits, nom que portent les Inuits habitant la partie ouest de l'Arctique, affirme que ce phénomène a déjà des incidences sur des pratiques traditionnelles dans la région, comme la chasse aux phoques, aux ours polaires et aux bélugas.

Des habitants vivant en harmonie avec leur environnement au point d'être capables de naviguer dans le brouillard en se guidant avec le courant ne peuvent désormais plus se fier à leurs connaissances ancestrales.

«Il y a des bancs de poissons là où il n'y en avait pas auparavant, a expliqué le géomorphologue. Il y a des tempêtes provenant de diverses directions. Cela commence vraiment à semer la confusion dans les connaissances ancestrales.»