Québec sous-estime la nocivité d'un pesticide autorisé en 2004 bien qu'il présente une menace pour les abeilles, a affirmé hier la Fédération des apiculteurs du Québec.

«On n'est pas en train de dire que c'est la catastrophe, mais des changements majeurs ont été autorisés sans qu'on examine toutes les conséquences», dit Jean-Pierre Chapleau, porte-parole de la Fédération des apiculteurs du Québec.

Les apiculteurs ont réagi hier à la publication récente du bilan 2008 de l'utilisation des pesticides par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP).

Dans ce bilan, les spécialistes du Ministère concluent que le risque que posent les pesticides pour la santé et l'environnement est demeuré stable malgré une augmentation des quantités utilisées, à cause de la moins grande toxicité des nouvelles molécules.

Rapport critiqué

Ce rapport a été critiqué la semaine dernière pour avoir sous-estimé plusieurs risques. L'opinion des apiculteurs va dans le même sens.

Ils craignent que le Poncho 600 (un insecticide) ait un effet néfaste sur les abeilles. On en enrobe les semences de maïs et de soya afin que les plantes se défendent contre les insectes pendant toute leur croissance.

En 2004, le Poncho 600 a reçu une homologation provisoire de l'Agence fédérale de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA). Il contient de la clothianidine, qui «exerce une très forte toxicité orale aiguë pour l'abeille domestique» et dont les effets «de l'exposition chronique ou à long terme (...) demeurent inconnus» sur les ruches d'abeilles domestiques, selon l'ARLA.

Dans son bilan sur les pesticides, le Québec ne tient pas compte de ce risque potentiel, selon un document de référence daté de 2007. Il n'a pas été possible hier de savoir si la situation a changé depuis.

La clothianidine fait partie d'une nouvelle classe de pesticides, les néonicotinoïdes, qui sont de plus en plus employés. Plus de 90% des semences de maïs aux États-Unis sont traitées aux néonicotinoïdes.

Au moment de l'homologuer de façon provisoire, l'ARLA a demandé un «examen de la toxicité chronique pour les ruches d'abeilles domestiques dans les conditions observées sur le terrain». L'étude n'a toujours pas été faite, selon ce qu'en sait M. Chapleau. L'ARLA n'a pas pu rappeler La Presse à ce sujet hier.

Système immunitaire attaqué

M. Chapleau cite deux études, une française et une américaine, qui montrent que les néonicotinoïdes sont néfastes pour les abeilles. «À très faible dose, le système immunitaire des abeilles est neutralisé par les néonicotinoïdes, dit-il. Les parasites des abeilles créent des portes d'entrée pour des virus et d'autres pathogènes, et si leur système immunitaire est touché, il y a une inquiétude supplémentaire pour nous.»

Les apiculteurs essuient des pertes anormales depuis quelques années. Au lieu de perdre 14 ou 15% de leurs abeilles l'hiver, ils en perdent le double ou le triple. Une situation inquiétante quand on connaît le rôle que les abeilles jouent dans la pollinisation.

«On est dans le domaine des hypothèses, dit-il. On ne prétend pas que les pesticides sont la source de tous les problèmes des abeilles, mais on a des inquiétudes.»