Après avoir réclamé plus de 30 millions pour son terrain de l'île Charron, le promoteur Luc Poirier affirme qu'il était prêt à en vendre la plus grande partie au gouvernement pour 15 millions, mais que sa proposition est restée sans suite.

«La négociation, ça ne donne rien, a-t-il dit à La Presse. J'ai baissé de 60% mon prix, mais il fallait que ce soit réglé avant le mois de juin. Je voulais 15 millions et je ne bouge pas.» M. Poirier voulait conserver un tiers du terrain pour un projet de spa, ce qui a pu nuire à la conclusion d'une entente.

Hier soir, M. Poirier a rappelé La Presse en affirmant qu'il était prêt à faire une nouvelle concession, ne voulant conserver que 20% du terrain. Cette proposition reçoit l'aval du Conseil régional de l'environnement de la Montérégie.

En 2006, M. Poirier a acquis pour la somme de 6 millions ce terrain de 20 hectares situé en face de Boucherville, à l'est du pont-tunnel La Fontaine.

Mais le gouvernement l'a mis en réserve en 2007 afin de l'annexer au Parc national des îles de Boucherville, après avoir reçu une pétition comptant 20 000 signatures.

Cette mise en réserve prendra fin le 28 octobre prochain. Passé cette échéance, M. Poirier affirme que «la Ville (de Longueuil) ne pourra pas (l')empêcher de construire».

Analyse

En outre, M. Poirier rejette les conclusions d'une analyse, publiée hier, qui conclut qu'au plus 640 unités d'habitation pourraient être construites sur son terrain.

Cette analyse du département d'études urbaines de l'UQAM a été présentée, hier, par la professeure Florence Junca-Adenot, qui s'oppose au projet.

À l'origine, M. Poirier voulait construire des tours d'habitation totalisant 2500 logements, mais la réglementation actuelle l'interdit. Elle limite les constructions à deux ou quatre étages. «À 2500, c'est sûr qu'on ne peut pas avec le zonage actuel, mais je crois qu'il y a de la place pour 1100 à 1200 unités», dit-il.

L'analyse de Mme Junca-Adenot milite pour une annexion du terrain au Parc national des îles de Boucherville, affirme la Coalition pour la protection de l'île Charron.

Elle montre plusieurs limitations qui sont de nature à faire baisser la valeur du terrain, selon Mme Junca-Adenot.

Les raccords au réseau d'égout, d'aqueduc et d'électricité coûteront cher à cause de l'éloignement du terrain du réseau existant. Des coûts qui seraient pris en charge par la collectivité. Au total, les infrastructures supplémentaires coûteraient 28 et 37 millions.

«Ces coûts justifient pleinement l'achat du terrain avec des fonds publics», affirme le directeur général de Nature-Québec, Christian Simard, membre de la coalition.

De plus, le terrain compte 4 à 6 hectares de milieux humides pour lesquels le promoteur devra obtenir une autorisation s'il veut les remblayer.

«Le ministère de l'Environnement serait bien mal venu de donner ces autorisations après avoir posé tous ces gestes en vue de l'annexion du terrain au parc», a dit Mme Junca-Adenot. Sans remblayage, le nombre d'appartements devrait être réduit de moitié.

Ce que conteste M. Poirier. «Il n'y a aucun milieu humide d'importance qu'on ne peut pas remblayer, dit-il. Tout le monde le sait, même au ministère de l'Environnement.»

Par ailleurs, il affirme que le coût des infrastructures est moins élevé que ce qu'affirme l'analyse de Mme Junca-Adenot et qu'il sera entièrement assumé par le promoteur et les nouveaux propriétaires. «Mme Junca-Adenot n'est pas objective, dit-il. Elle essaie de faire baisser la valeur, mais un juge d'expropriation va rejeter ses arguments.»

De son côté, le Conseil régional de l'environnement de la Montérégie a pris ses distances, hier, de la démarche de la Coalition pour la protection de l'île Charron. «On ne peut pas dire aujourd'hui qu'il y a une valeur écologique là où il n'y en avait pas il y a quatre ans», dit son directeur, Richard Marois.

«On ne prétend pas que les milieux naturels sont de haute qualité, précise M. Simard. Mais il s'agit de ne pas permettre un développement à la porte du plus petit parc du Québec.»