L'ONU a estimé jeudi que l'ampleur de la pollution pétrolière dans le sud du Nigeria, après 50 ans d'extraction de brut, était telle qu'elle pourrait nécessiter l'opération de nettoyage la plus vaste jamais réalisée au monde.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a mené durant deux ans «une évaluation sans précédent» de l'étendue et de l'impact de la pollution dans l'Ogoniland, au coeur du delta du Niger, la région pétrolifère du premier producteur de brut d'Afrique.

«La restauration environnementale de l'Ogoniland pourrait bien être l'exercice de nettoyage de pétrole le plus vaste et le plus long jamais réalisé dans le monde si l'on veut ramener à un état entièrement sain l'eau potable, les sols, les criques et les écosystèmes importants tels que les mangroves, qui sont contaminés», selon un communiqué du PNUE qui a présenté l'étude jeudi à Abuja.

Ce nettoyage complet pourrait prendre 25 à 30 ans, selon l'agence de l'ONU.

Elle a notamment préconisé la création d'un fonds spécial pour l'Ogoniland et suggéré que les compagnies pétrolières et le gouvernement nigérian y injectent un milliard de dollars.

«Dans au moins dix communautés Ogoni, où l'eau potable est contaminée avec des niveaux élevés d'hydrocarbures, la santé publique est sérieusement menacée», relève le PNUE.

Il précise que l'une de ces communautés est située a proximité d'un oléoduc de la compagnie pétrolière nigériane (NNPC).

L'Ogoniland est quadrillé d'oléoducs et jonché de puits et autres installations pétrolières et les défenseurs de l'environnement dénoncent depuis des années l'impact environnemental de l'exploration de brut.

Parmi les nombreuses majors opèrent dans le delta du Niger, le géant anglo-néerlandais Shell est la plus ancienne et la plus importante.

La compagnie, qui n'a pas souhaité réagir immédiatement à l'étude, fut contrainte de quitter l'Ogoniland en 1993 après des violences liées à la pauvreté et alors que beaucoup d'habitants ont dénoncé des dégâts environnementaux.

Selon les défenseurs de l'environnement, la pollution liée au pétrole a ravagé l'Ogoniland et détruit les moyens de subsistance d'une population vivant essentiellement de la pêche et de l'agriculture.

La question de l'attribution de la responsabilité de la pollution est épineuse. De nombreux activistes dénoncent la négligence des groupes pétroliers.

Shell a souvent affirmé que la plupart des fuites sont causées par des activités illégales telles que le vol de brut, prélevé directement sur les oléoducs, et le raffinement clandestin.

Le PNUE relève que «le contrôle et l'entretien des installations pétrolières dans l'Ogoniland demeure inadéquat: les propres procédures de Shell Petroleum Development Company n'ont pas été respectées, conduisant à des problèmes de santé publique et de sécurité».

Amnesty International a estimé jeudi dans un communiqué que l'étude prouvait que «Shell a eu un impact terrible au Nigeria et s'en est sorti en niant cela des décennies durant». Le groupe a «systématiquement échoué» à nettoyer ses fuites de pétrole, selon l'ONG.

Amnesty dénonce aussi «le grave échec du gouvernement nigérian à réguler et contrôler les compagnies telles que Shell».

Le président Goodluck Jonathan, premier dirigeant issu du delta du Niger, a assuré après avoir reçu l'étude, que son gouvernement allait «discuter avec Shell et d'autres compagnies (...) ainsi que les agences gouvernementales compétentes pour voir comment nous pouvons gérer ce rapport».

Le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop) a estimé jeudi que le gouvernement devait «révoquer la licence de Shell en raison des ravages provoqués dans l'Ogoniland».