En toute légalité, entrepreneurs et promoteurs dépensent sans compter en faveur du «oui» dans le cadre du référendum sur deux règlements municipaux organisés demain, à Carignan, en Montérégie. En face, des citoyens, partisans du «non» s'opposent au lotissement de plusieurs milieux naturels appartenant à des promoteurs immobiliers.

Le camp du «oui» n'a pas ménagé ses efforts. Un site web a été mis en ligne, des conférences de presse ont eu lieu, des pancartes ont été érigées aux quatre coins de la ville de 8000 habitants. Des pages de publicité ont été achetées dans les journaux locaux.

Dans le cas d'une élection, le financement et les dépenses sont soumis à des limites et sont sujets à l'examen du Directeur général des élections du Québec (DGEQ). Mais pas dans le cas d'un référendum.

La mairesse de Carignan, Louise Lavigne, préside le comité du Oui, mais elle dit ne pas savoir exactement d'où vient l'argent qui sert à couvrir les dépenses de son camp. «Je ne sais pas qui paye tout ça», a-t-elle d'abord dit, renvoyant La Presse à son organisatrice, Gisèle Décarie.

«Ce ne sont pas les citoyens qui payent cette campagne, a-t-elle ajouté. Il y a des commerçants de Chambly [la ville voisine], qui nous appuient là-dedans. Mais je ne connais pas les coûts. La Ville n'est pas impliquée là-dedans.»

La Presse a interviewé Mme Décarie, l'organisatrice, à ce sujet. «Il y a des plombiers, des électriciens de Chambly, a-t-elle répondu. Des gens de la construction qui veulent qu'il y ait de la construction à Carignan.»

«On a eu des activités de promotion, c'est comme si on était en élection, a précisé Mme Décarie. On parle de l'avenir de notre municipalité.»

Et quand saura-t-on qui a payé quoi? «Je ne suis pas la trésorière, dit Mme Décarie. Quand on arrivera à la fin de la campagne, on verra qui payera quoi.»

Le camp du Oui a deux agents de communication à sa disposition, dont Odette Côté, qui compte le promoteur immobilier Mario Venafro parmi ses clients.

«J'ai été mandatée par M. Venafro pour une conférence de presse et j'ai eu un mandat également de la part d'un groupe de partisans du oui dans la campagne», a dit Mme Côté.

Elle non plus ne sait pas combien coûte la campagne, mais précise que les achats de publicité ont coûté 1000$ ou 1200$ chacun. Elle reçoit aussi des honoraires. «On fait du bénévolat et aussi du travail rémunéré», dit-elle.

Quant à M. Venafro, son projet immobilier dans l'île au Foin, connu aussi comme la pointe nord de l'île aux Lièvres, est au coeur du débat référendaire. Il «est l'un de mes clients depuis 2005 environ», dit Mme Côté. «M. Venafro est partisan du oui. Il a des terrains à Carignan», dit-elle.

Il y a deux semaines, Mme Côté a organisé une conférence de presse au cours de laquelle l'entreprise de M. Venafro a dévoilé des études environnementales qu'il avait fait réaliser au sujet de son terrain. Cette conférence de presse était une activité du camp du «oui».

Les conclusions des études du promoteur sont contredites par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, qui affirme que la forêt qui pousse sur le terrain de M. Venafro a une haute valeur écologique.

Il y a des règles strictes sur les dépenses et le financement d'une élection municipale, mais pas dans le cas d'un référendum.

Par exemple, pour l'élection au poste de maire, on ne peut dépenser plus de 5400$, en plus d'une certaine somme n'excédant pas 72 cents par électeur.

Dans le cadre d'une élection, il est strictement interdit aux personnes morales (entreprises, syndicats, etc.) de faire une contribution. Seules des personnes physiques peuvent le faire, jusqu'à un maximum de 1000$.

Contrevenir à ces règles est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 20 000$.

À la fin d'une campagne, les candidats doivent produire un rapport de leurs dépenses. Les partis politiques doivent dresser un rapport financier annuel, et celui-ci doit être vérifié de façon indépendante lorsque ce parti a reçu plus de 5000$.

Aucune de ces règles ne s'applique dans le cas d'un référendum municipal. «Il n'y a pas de règles sur le financement dans les référendums municipaux», dit Denis Dion, porte-parole du DGEQ.

Du côté du camp du «non», on affirme avoir dépensé au maximum 2000$. Patrick Paré est l'un des organisateurs.

«Je pense que le gouvernement devrait uniformiser les choses, dit-il. Dans ce cas-ci, d'un côté, il y a des citoyens qui sont directement visés, de l'autre, il y a les promoteurs. S'ils dépensent autant dans la campagne à Carignan, c'est qu'ils y ont énormément d'intérêts.»

Mme Côté concède que des entreprises de la construction ont intérêt à ce que les projets résidentiels aillent de l'avant à Carignan.

«Il y a 500 millions $ d'investissements potentiels dans la Ville au cours des prochaines années, dit-elle. Ça implique plusieurs entrepreneurs comme des plombiers, des électriciens, etc. Mais en même temps, les règlements proposés sont plus exigeants envers plusieurs promoteurs, qui auraient intérêt à ce que le projet ne passe pas.»

«Si les règlements ne sont pas adoptés, il faudra tout reprendre, dit-elle, même si les projets sont déjà approuvés par la MRC et le ministère des Affaires municipales.»