L'opposition et les écologistes accusent le gouvernement Harper de vouloir se retirer du protocole de Kyoto tout en continuant de miner les pourparlers sur les changements climatiques à Durban cette année, mais aussi au Qatar l'an prochain.

La députée néo-démocrate Megan Leslie, porte-parole de son parti en matière d'environnement, a souligné aux Communes qu'un retrait du protocole de Kyoto ne deviendrait effectif qu'au terme d'un délai d'un an.

Or, si le Canada confirme son retrait le 23 décembre, le pays pourra prendre part à la prochaine ronde de négociations qui se déroulera l'an prochain au Qatar.

Megan Leslie s'explique mal que le Canada puisse vouloir participer à cette nouvelle conférence, sinon pour saboter les pourparlers.

«La seule chose que je peux voir, c'est que le ministre veuille y aller pour faire dérailler les négociations auxquelles participent les autres pays de bonne foi, a-t-elle soutenu. C'est la seule conclusion à laquelle je peux arriver.»

En Chambre, la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Michelle Remple, a rétorqué que des ententes que ne signent pas les principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) comme la Chine et les États-Unis «ne fonctionnent pas». Elle a rappelé que le gouvernement Harper s'est engagé à réduire les émissions de 17% par rapport au seuil de 2005 d'ici à 2020.

Le réseau CTV a rapporté, dimanche, que le gouvernement Harper annoncera que le Canada se retire du protocole de Kyoto deux jours avant Noël. Le ministre de l'Environnement, Peter Kent, n'a ni confirmé ni infirmé la nouvelle depuis le début de la semaine. Mais il n'a pas ménagé ses critiques à l'égard de l'entente, qu'il a associée au «passé» des négociations sur les changements climatiques.

Hier à Montréal, M. Kent a assuré qu'il n'était pas à la table de Kyoto pour nuire aux négociations. «Nous ne nous opposerons pas à ceux qui veulent s'engager pour une seconde fois envers le protocole de Kyoto, mais nous voulons faire participer les grands émetteurs, comme les États-Unis, la Chine, l'Inde, les pays émergents, le Brésil», a-t-il dit.

Une affirmation jugée peu crédible à Durban, où La Presse a joint Patrick Bonin, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). «Le Canada a remporté le fossile de l'année au cours des quatre dernières années pour avoir été le pays qui a le plus nui aux négociations internationales sur le climat, a affirmé M. Bonin. S'il a l'intention de se retirer du protocole de Kyoto, mais qu'il reste à la table de négociation, ce n'est pas pour que ce soit un succès.»

«Le Canada devrait avoir la décence d'afficher ses vraies couleurs, a-t-il ajouté. S'il veut se retirer, il devrait le dire immédiatement et, tout comme les États-Unis, devenir simple observateur.»

L'organisation américaine Union of Concerned Scientists a aussi signalé, en entrevue à la CBC, que si le Canada annonçait son retrait le 23 décembre, le pays aurait une année de plus pour «affaiblir le traité et ruiner le travail de tous les autres».

Si M. Kent affirme que Kyoto représente le «passé», plusieurs pays africains vont vouloir lui rappeler que le «passé» du Canada les touche aujourd'hui. En effet, depuis le début de l'ère industrielle, le Canada a émis presque autant de gaz à effet de serre (GES) que toute l'Afrique, qui a 27 fois sa population et qui continuera de subir de plein fouet les effets les plus graves du réchauffement global.

Hier à Durban, le porte-parole des pays africains a affirmé que le retrait possible du Canada du protocole du Kyoto constituerait une «offense» aux pays les plus menacés par les changements climatiques. «Quand des États, parties historiquement responsables du phénomène, se désengagent aussi explicitement, cela mine le processus et décrédibilise ce que nous sommes en train de faire», a affirmé à l'AFP Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique, en marge des négociations climatiques. Au moment où cette conférence se réunit «dans la région qui a le moins contribué à ce phénomène, qui en paie le plus lourd tribut, je trouve que ça offense», a-t-il ajouté.